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jeudi 11 février 2016

Les territoires industriels de l'Aquitaine

En étudiant les grandes branches des activités industrielles, nous avons pu observer que la localisation des industries dépendaient à la fois des héritages souvent liés à l'existence de ressources locales (matières premières mais aussi main-d'oeuvre disponible), aux profondes évolutions au regard de la mondialisation et de la concurrence qu'elle induit et surtout à la nécessité de développer des activités de haute technologie qui dépendent des potentialités en matière de recherche mais aussi de services.

Tous ces éléments éclairent la nouvelle carte des territoires industriels en Aquitaine: le poids de l'agglomération bordelaise, le rôle majeur joué par les principales villes, le déclin prononcé, souvent inexorable, de l'industrie dans les plus petites villes et le monde rural.

Nombre d'emplois industriels par aires urbaines en Aquitaine en 2008


Avant de poursuivre, il faut aborder une autre évolution dans les localisations à l'intérieur des espaces urbains. La fermeture des usines les plus anciennes insérées dans les quartiers centraux, l'apparition de zones industrielles dans les années 1980 en relation avec les politiques d'aménagement dans les agglomérations pour profiter des espaces disponibles dans les communes limitrophes, l'attractivité des grandes voies autoroutières, autant de facteurs qui poussent à analyser les territoires industriels en prenant en compte les aires urbaines. Ces dernières permettent de mieux prendre en compte les dynamiques dans les franges des agglomérations et ainsi de mieux mesurer la part de chacune des villes dans l'emploi industriel total.

Selon l'INSEE, l'Aquitaine disposait d'environ 150 000 emplois industriels. La cinquantaine d'aires urbaines en regroupait un  peu plus de 130 000, soit près de 90% du total. Au sein de ces aires urbaines, la métropole bordelaise écrase toutes les autres par le volume des emplois industriels qui s'y concentrent, soit un peu plus de 52 000 ou encore 35% du total des actifs dans l'industrie dans la Région. Suivent, avec quatre fois moins de personnes, les deux principales villes moyennes, Pau et Bayonne. Ces trois aires urbaines, Bordeaux-Pau-Bayonne, rassemble un peu plus de la moitié des emplois dans l'industrie (53%). Si on prend en compte les cinq premières aires urbaines en ajoutant aux trois premières, les préfectures d'Agen et de Périgueux qui ont respectivement 5 600 et 4 000 emplois, on atteint quasiment 60% du total des actifs de l'industrie en Aquitaine. En élargissant aux dix premières (les cinq suivantes sont Bergerac, Oloron-Sainte-Marie, Marmande, Villeneuve-sur-Lot et Mont-de-Marsan) on arrive à 68%. Ainsi, les dix premières aires concentrent les deux tiers des emplois industriels. La corrélation entre la taille des villes et l'importance de l'emploi industriel est évidente sauf dans deux cas: Oloron-Sainte-Marie est mieux classée quant au nombre d'emplois industriels alors qu'Arcachon est en retrait ce qui aisément compréhensible en raison de sa vocation touristique.

Une seconde corrélation peut être établie: plus les agglomérations urbaines sont importantes (dans leur zonage en aire urbaine) moins les actifs de l'industrie sont représentés en pourcentage de la population active totale. Le classement, en relation avec la part de l'industrie dans l'emploi total, place en première position avec 40% la très petite ville d'Hagetmau dans les Landes (5 000 habitants dans son aire urbaine). En seconde position on trouve Saint-Seurin-sur-l'Isle avec 33% d'emplois dans l'industrie. Suivent ensuite une dizaine d'aires urbaines pour lesquelles la part de l'industrie est comprise entre 20 et 30%. Parmi elle on relève des petites villes depuis longtemps qualifiés d'industrielles: Mourenx, Mauléon, Nontron, Mimizan, Fumel, Oloron-Sainte-Marie, Terrasson-Lavilledieu. Un fort taux d'emplois dans l'industrie par rapport à une moyenne nationale à 13% ne signifie pas que les effectifs sont importants. Seules Oloron-Sainte-Marie, Mourenx et Fumel comptent plus de 1 000 actifs dans l'industrie. Mais toutes dépendent encore fortement du petit nombre d'entreprises qui les animent et procurent des emplois. On se trouve le plus souvent en position de mono-industrie. C'est dire si les restructurations en cours frappent de plein fouet les petits centres industriels de l'Aquitaine, le plus souvent insérés dans le milieu rural. Ce sont des bassins d'emplois qui dépérissent et des bassins de vie qui se contractent jusqu'à perdre des bassins de vie qui se contractent jusqu'à perdre des habitants.

Le cas de Fumel (Lot-et-Garonne) fournit le meilleur exemple des effets dévastateurs des restructurations industrielles sur la dynamique d'un petit bassin d'emplois représentatif des modalités de formation d'un appareil industriel fondé sur des ressources locales et une main-d'oeuvre disponible, grossi ensuite par des flux migratoires. Les avantages du site (proximité de gisement de fer et de charbon) se révèlent aujourd'hui un handicap en raison de l'éloignement de Fumel des grands axes de circulation. Malgré les efforts de la Région et des collectivités locales les créations d'emplois ne sont pas assez nombreuses. Aussi l'aire urbaine de Fumel a perdu de la population, ce qui est probablement le seul cas en Aquitaine. Après un pic de 17 000 habitants en 1975, les pertes de population se succèdent si bien que l'aire urbaine de Fumel compte 14 248 habitants en 2008, soit à peu près autant qu'en 1962. Les difficultés récentes des "Paquets Marty" aggrave la santé économique de cette petite ville industrielle.

Bien d'autres exemples permettraient de montrer que les petits centres industriels encore très actifs dans les années 1970 ont vu disparaître leurs entreprises et les emplois. Moins de 500 personnes travaillant encore dans l'industrie àCasteljaloux, Miramont-de-Guyenne, Tartas. Les fermetures récentes dans l'industrie du meuble à Hagetmau ne sont pas encore totalement prises en compte dans les données de l'INSEE en 2006, mais il est certain que les prochains recensements souligneront la gravité des derniers événements dans la "capitale du meuble".

De très nombreuses petites villes n'ont jamais eu d'activités industrielles importantes dans le passé. En raison de leurs activités dans le commerce et les services rendus dans leur bassin de vie, les taux d'emplois dans l'industrie restent inférieurs à la moyenne française. La plupart ont entre 10 et 12% d'actifs dans l'industrie: La Réole, Ribérac, Orthez en sont des exemples. Certaines comptent moins de 10% d'emplois industriels: Lesparre, Langon, Peyrehorade. Biscarosse dans les Landes enregistre le plus faible taux: 3,2%.

A contrario, si les villes moyennes, celles qui ont 20 000 habitants et plus, concentrent les emplois industriels proportionnellement à leur taille, la part de l'industrie dans l'ensemble des activités reculent régulièrement et se situe en dessous de la moyenne en France. En effet, à l'exception de la petite ville moyenne de Marmande (16,7% d'actifs dans l'industrie), toutes les autres possèdent un taux inférieur à 13%. Si Pau et Bayonne ont un taux proche de la moyenne de la France, ce taux n'est plus que de 10% dans l'aire urbaine de Bordeaux, alors même que la métropole de l'Aquitaine totalise plus de 50 000 emplois dans l'industrie.

Il s'agit d'une évolution inéluctable, résultat de l'accroissement rapide des emplois tertiaires dans les villes. Mécaniquement le taux d'actifs dans l'industrie recule en raison de l'emploi qui stagne voire décline alors que le tertiaire continue de progresser en volume. Ce qui permet de relativiser le déclin de l'industrie dans les plus grandes villes de l'Aquitaine, principalement les trois plus importantes: Bordeaux, Bayonne et Pau. En effet, une partie des emplois en relation avec l'industrie se retrouve dans les services rendus aux entreprises. Si on intègre ces actifs à ceux de l'industrie on retrouve des effectifs presque aussi importants que dans les années 1975.

Il n'en reste pas moins que l'emploi industriel recule, y compris dans les grandes villes. Sur la période 1999-2008, les données de l'INSEE permettent de dégager un solde négatif de près de 3 000 salariés. Le recul des emplois industriels dans l'aire urbaine de Bordeaux, -1 836 sur la même période, participe fortement à ce déclin industriel. Outre Bordeaux, les pertes les plus élevées en emplois industriels s'observent dans les aires urbaines d'Orthez (-690), Bayonne (-440), Nérac (-413), Tonneins (-378), Hagetmau (-368), Souillac (-366) et Fumel (-265) pour s'en tenir à celles qui perdent plus de 200 emplois.

Une autre moitié des aires urbaines connaît, selon l'INSEE, un solde positif des emplois industriels entre 1999 et 2008. Certes, cela ne gomme pas les pertes durant les périodes antérieures, mais ces soldes positifs témoignent du dynamisme de quelques villes moyennes, y compris de petites villes. Sur cette période c'est Agen, préfecture du Lot-et-Garonne qui enregistre le gain le plus important (+561) suivi par Pau (+527). Avec de 200 à 300 emplois en plus, viennent Mont-de-Marsan, Bazas, Blaye et Capbreton. Marmande, Mourenx, Arcachon, Périgueux et Libourne ont un solde positif compris entre 100 et 200 personnes.

Ces variations négatives ou positives ont peu d'effets sur la concentration des emplois industriels dans quelques aires urbaines. Celles de Bordeaux, de Pau et de Bayonne rassemblent 52% des actifs de l'industrie en Aquitaine. Mais la suprématie de Bordeaux est incontestable avec un peu plus de 50 000 personnes oeuvrant dans l'industrie.
    

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