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mardi 1 décembre 2015

L'élection au suffrage universel, facteur de légimité nationale

En 1958, le président est élu par un collège électoral qui dépasse largement le Parlement. Environ 80 000 grands électeurs, maires et conseillers généraux, élisent alors le président. Ce sont donc essentiellement des ruraux qui choisissent le chef de l'Etat alors qu'une grande majorité des Français vivent en ville. C'est en partie pour corriger ce défaut de représentativité que Charles de Gaulle propose en 1961 d'élire le président de la République au suffrage universel direct. Il choisit d'utiliser la procédure du référendum national définie par l'article 11 de la constitution de 1958 plutôt que de recourir à la procédure de révision normale, avec accord préalable du Parlement telle que prévue par l'article 89. Mécontente, l'Assemblée nationale met le gouvernement en minorité. De Gaulle la dissout, procède à de nouvelles élections qui confortent son soutien populaire. Le référendum du 28 octobre 1962 approuve par 61,7% de "oui" le changement de mode d'élection du président. La loi est promulguée le 6 novembre 1962. Depuis 1965 (date de l'application de ce nouveau système), le président de la République est donc élu au suffrage universel direct (article 6 de la constitution). Le scrutin est majoritaire uninominal et comporte deux tours. La durée du mandat était de sept ans (septennat), comme depuis le début de la IIIe République, réduit à cinq ans depuis la réforme constitutionnelle de 2000 instaurant le quinquennat. Cette loi a pris effet pour la première fois avec la réélection de Jacques Chirac en 2002. Le premier alinéa de l'article 6 de la Constitution a été rédigé comme suit: "Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct". A la suite du référendum du 24 septembre 2000 (décidé par décret du 12 juillet 2000) où les Français se sont prononcés en majorité (73,21% des suffrages exprimés) pour la réduction de la durée du mandat présidentiel, mais avec une forte abstention (69,81%).

Tout le monde ne peut pas être candidat. La loi de 1962 prévoit un parrainage de présentation de 100 notabilités issues d'au moins 10 départements ou collectivités équivalentes (les TOM puis COM ou les collectivités de Corse et de Nouvelle-Calédonie) différents. Les présentations sont à adresser au Conseil constitutionnel 18 jours avant le premier tour. Les candidats doivent déposer un cautionnement de 10 000 francs remboursés pour ceux qui atteignent 5% des suffrages exprimés. En 1974, 12 candidats arrivent à obtenir les 100 signatures de présentation.Pour limiter le nombre de candidats, la loi organique du 18 juin 1976 prévoit que tout candidat doit recueillir la présentation de 500 élus (maires, conseillers généraux ou régionaux ou membres des assemblées équivalentes dans les autres collectivités notamment outre-mer, députés, sénateurs) résidents dans au moins 30 départements, et collectivités équivalentes différents. Les signatures d'élus venant d'un seul département, COM, de Nouvelle-Calédonie ou de Corse ne doivent pas dépasser 1/10 du total. Le nom des présentateurs est rendu public par le Conseil constitutionnel et publié au Journal officiel. Cette loi n'a empêché que temporairement l'inflation des candidats, qui sont certes tout d'abord au nombre réduit de 10 en 1981, 9 en 1988, 9 en 1995, mais 16 en 2002 et 12 en 2007. Michel Balinski soutient que le financement public et l'égalité du temps de parole dans l'audiovisuel sont à l'origine de cette inflation de candidats. Une des conséquences est la grande dispersion des voix: jusqu'en 1974, les trois candidats en tête récoltaient 90% des suffrages exprimés. Depuis, leur part des voix a fortement décru pour atteindre à peine 50% en 2002. Le vote du 22 avril 2007 marque un retournement de tendance spectaculaire.Les trois candidats de tête récoltent 75% des voix faisant perdre au premier tour de l'élection son rôle de défouloir.

La propagande électorale est réglementée par la loi du 6 novembre 1962 modifiée par la loi organique du 5 février 2001. Elle prévoit, pendant la campagne officielle, une stricte égalité de traitement des candidats dans les moyens audiovisuels et la création d'une commission nationale de contrôle de la campagne électorale. La loi du 19 janvier 1995 fixe un plafond des dépenses de campagne actualisé tous les trois ans par décret, fixé actuellement, et depuis 2007 (révisé en 2010) à 16,2 millions d'€ pour le premier tour, 21,6 millions pour le second tour. Tout candidat se voit accorder une avance sur dépenses de 153 000€. La loi prévoit aussi le remboursement forfaitaire de 8% du plafond pour tous les candidats, quel que soit le nombre de voix obtenu, soit jusqu'à 685 000€ de dépenses. Par contre, les candidats ayant recueilli au moins 5% des suffrages exprimés obtiennent le remboursement de 36% du plafond des dépenses, ce qui peut représenter 6 850 000€. Tous les candidats ont l'obligation d'établir un compte de campagne publié au Journal officiel 70 jours après le second tour. Désormais ces taux ont été à nouveau modifiés: les candidats qui n'ont pas obtenu 5% des suffrages n'ont droit au remboursement que de 5% du plafond, au-delà, ils ont droit au remboursement de la moitié du plafond.

Dans certains cas, le Conseil constitutionnel peut décider du report des élections: si un candidat potentiel décède ou est empêché 7 jours avant la date limite du dépôt des signatures de présentation, si un candidat décède ou est empêché avant le premier tour. Si l'un des deux candidats ayant été qualifié pour le second tour décède ou est empêché entre les deux tours, il faut procéder à un nouveau scrutin.

L'élection a lieu entre 20 et 35 jours avant l'expiration du mandat du président en exercice. En cas de vacance (démission, décès), l'élection a lieu entre 20 à 35 jours après l'ouverture de la vacance. En cas d'impossibilité pour le président, constatée par le Conseil constitutionnel, d'exercer ses fonctions présidentielles, c'est le président du Sénat qui assure l'intérim. Jusqu'à présent, seul Alain Poher a dû assumer cette tâche: en 1969 après la démission de Charles de Gaulle et à nouveau en 1974 après le décès de Georges Pompidou. Le président par intérim ne peut utiliser le référendum ou dissoudre l'Assemblée nationale. Il est à noter que, sous les précédentes républiques, cet intérim (effectivement exercé que sous la Troisième République) revenait au Président du conseil (six l'ont alors rempli: Jules Dufaure le 30 janvier 1879 après la démission de Patrice de Mac Mahon, Maurice Rouvier du 2 au 3 décembre 1887 après celle de Jules Grévy, Charles Dupuy à trois reprises, à la suite des décès de Sadi Carnot du 25 au 27 juin 1894 et de Félix Faure du 16 au 18 février 1899, et à la suite de la démission de Jean Casimir-Perier du 16 au 17 janvier 1895, Alexandre Millerand du 21 au 23 septembre 1920 après la démission de Paul Deschanel, il est ainsi à ce jour le seul président de la République par intérim à être confirmé ensuite comme titulaire de cette charge, Frédéric François-Marsal du 11 au 13 juin 1924 à la suite de la démission de Millerand, André Tardieu du 7 au 10 mai 1932 après l'assassinat de Paul Doumer).

Dès 1962, l'élection du président de la République au suffrage universel direct a été contestée, notamment par des personnalités de la gauche socialiste (Pierre Mendès France, François Mitterrand) et communiste: la survalorisation et la personnalisation de la fonction présidentielle, ainsi que le déséquilibre des pouvoirs législatifs et présidentiels ont été perçus comme autant de risques attachés au nouveau mode de scrutin. Aujourd'hui encore, il continue de faire polémique. Selon certains avis de personnalités politiques, de constitutionnalistes ou encore de philosophes, le caractère démocratique de ce scrutin est, contre toute apparence, loin d'être évident: en particulier, la "légitimité nationale" exceptionnelle que confère cette élection empêcherait toute réelle réflexion sur l'irresponsabilité politique du chef de l'Etat. Des organisations telles que la C6R mettent ainsi en garde contre la dérive présidentielle de la Ve République. Selon ces mêmes critiques, la loi sur le quinquennat (2000) et l'inversion du calendrier électoral (2001) semblent avoir eu pour conséquence de survaloriser les élections présidentielles au détriment des scrutins législatifs, accentuant un déséquilibre des pouvoirs déjà sensible.
 

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