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dimanche 25 septembre 2016

5.Col de Bussang de la région de Lorraine

Image illustrative de l'article Col de BussangVue de la route franchissant le col


Altitude: 731 m

Massif: Massif des Vosges

Vallée: Vallée de la Moselle (ouest) et Vallée de la Thur (est)

Ascension: Saint-Maurice-sur-Moselle(ouest) et Urbès (est)



Le col de Bussang est l'un des plus fréquentés du massif des Vosges. Il relie la Lorraine et l'Alsace par la route nationale 66. Les deux communes au bas de ce colsont Bussang du côté lorrain et Urbès du côté alsacien.

Toponymie

Col de Bussang


L'usage du terme de Bussang est plutôt récent. De chaque côté de la limite des langues franco-allemandes, on avait l'habitude de dire ou de lire:

.Pour la partie francophone (y compris en dialecte vosgien)

-Passage de Taye
.Pertuis d'Estaye (Perthus, Perthuix, Potieu)
.Col de l'Estaye
.Pertuis de Taye ou de la Taye
.La Côte du Taye

.Pour la partie germanophone (y compris en dialecte alsacien)

-Steige zur Linden (Steig zür Linde)
.D'Steig
.Pass zur Linden
.Der Brussang-Sattel (ou der Sattel)


Les toponymes des agglomérations en deçà du col de chaque côté, Bussang ou Urbès, apparaissent visiblement très peu ou pas du tout dans les premières appellations du col. La partie germanophone insiste, comme c'est le cas pour d'autres régions du massif vosgien côté alsacien, sur la caractéristique topographique: l'emploi du terme "Steige" désigne une "côté" ou une "montée". On retrouve la même dénomination pour le col de Saverne (en allemand Zaberner Steige), le col de Steige à Offwiller entre Moselle et Bas-Rhin. En réalité, la dénomination Steige renvoie dans l'esprit des germanophones très peu à des régions montagnardes ou de haute montagne. La Steige fait référence en général dans les langues allemandes du sud et sud-ouest à une route qui monte de manière abrupte. Contrairement au col, elle n'a pas forcément pour vocation de permettre le franchissement d'une montagne pour passer dans la vallée voisine. Ainsi, on trouve beaucoup de Steigen dans les régions collinéennes ou encaissées du centre-sud de l'Allemagne quand on passe du fond de vallée aux parties surélevées du relief environnant.

Le terme Sattel (désignant la selle en allemand) renvoie en revanche clairement à la vocation du col de montagne comme structure "en selle de cheval" formée en montagne par l'intersection entre une ligne de crête et de deux talwegs situés de part et d'autre. L'échancrure resserrée entre la Tête des Allemands, 1 014 m, et la Tête des Russiers, 1 187 m, est très visible en venant de Lorraine. Les dénominations germanophones ajoutent fréquemment la mention Zur Linden: "des ou aux tilleuls".  En français régional lorrain sont fréquemment désignés par les appellations "pertuis", "plain" ou "passage". On parlait du pertuis d'Estaye ou du Passage de la Traye. On utilisait couramment en langue patoise vosgienne des pays de Saint-Dié ou Remiremont les termes régionaux pour "pertuis" potieu ou pètu pour désigner un trou, un col ou un passage étroit qui fait figure d'ensellement dans la montagne. Comme pour Steize, le terme de côté revient souvent dans les écrits du XIXe siècle. Le premier préfet des Vosges, Henri-Zacharie Desgouttes, décrit le col de Bussang sans prononcer le mot "col" une seule fois, "La Moselle a sa source dans l'arrondissement de Remiremont, au pied de la côte du Taye, dont le point le plus haut, faisant la jonction de deux côtés, forme la limite des départements des Vosges et du Haut-Rhin". En revanche, l'accent est mis sur deux côtés qui se rejoignent au point culminant du col.


Géographie

Voie routière et ferroviaire


Axe routier


carte de localisation des principaux col des Vosges

Le col de Bussang est situé sur la RN 66, anciennement route royale n°66, autrefois route impériale n°84. L'ancien tracé de la route romaine a perduré jusqu'au XVIIe siècle. C'est en 1724-25 que la nouvelle route, dont l'actuelle, emprunte le fond de vallée après avoir asséché les parties marécageuses contournées par la voie romaine. Vingt années plus tard, et pendant 18 ans, la nouvelle route de Saint-Maurice-sur-Moselle vers Giromagny par ce qui deviendra le col du Ballon d'Alsace désenclavera la haute vallée mosellane et accélérera le transit vers l'Alsace par Thann ou Belfort.

A l'origine, la route royale, puis nationale reliait Bar-le-Duc en Meuse (Lorraine) à Bâle (Suisse). Cela correspond à la voie commerciale de l'Ancien Régime. En revanche, le tracé de la route nationale ne suit pas toujours celui de la voie romaine. La partie meusienne a été déclassée dans les années 1970 en route départementale 966 (Meuse) ou elle est partiellement devenue l'actuelle route nationale 135) de Bar-le-Duc à Ligny-en-Barrois: le tronçon vosgien de la route nationale jusqu'à Epinal s'est transformé en route départementale 166. Des tronçons de la partie haut-rhinoise ont également été déclassés en routes départementales. La RN 66 relie aujourd'hui Remiront à Mulhouse, son équivalent européen est la route européenne 512. Pour faciliter le passage du col, notamment pour la grosse artillerie, un tunnel a été construit en 1848 sous la direction de M. Houot, conducteur des Ponts et Chaussées, maire d'Epinal. La longueur totale s'élevait à 251 m dont 60% étaient du côté lorrain. A l'annexion de l'Alsace-Lorraine se trouvait à l'entrée du tunnel le bureau des douanes avec un poste de secours établi par le Touring-Club. De nombreuses anciennes cartes postales montrent les deux côtés du tunnel avec les douaniers. Sur les cartes postales anciennes, on reconnait facilement l'ancien tracé de la route du col qui, côté lorrain, passe à droite du tunnel en le surplombant encore de quelques mètres. Le tunnel a été dynamité en 1944, il n'a pas été reconstruit.


Projet de tunnel ferroviaire


Pont ferroviaire inachevé à Urbès pour ligne Bussang-Urbès

Effort de guerre Daimler-Benz et la déportation


Comparées aux Alpes suisses, pourtant plus élevée en altitude, les moyennes montagnes des Vosges ont longtemps été contournées. Il n'existe qu'un seul tunnel ferroviaire, puis routier qui traverse le massif, celui de Sainte-Marie-aux-Mines, il a été ouvert à la circulation en 1976, auparavant il n'était destiné qu'aux chemins de fer.  Il fut très longtemps le plus tunnel de France avec quasiment 7 km de longueur (6 950 m). Le col de Sainte-Marie fut également l'un des passages entre la Lorraine et l'Alsace en empruntant la vallée de Meurthe et le plus souvent le col du Bonhomme. 

La voie mosellane historique, qui a le col de Bussang pour seul obstacle naturel sur son tracé avant l'arrivée en Suisse à Bâle, aurait pu avoir son tunnel ferroviaire entre le Benelux et l'Italie par une nouvelle voie de 52 kilomètres depuis la gare de Bussang jusqu'à la gare de Fellering. Le tunnel Urbès-Saint-Maurice-sur-Moselle aurait mesuré 8 287 m de longueur et il aurait été le plus long ouvrage souterrain français au milieu du XXe siècle. Décidée le 11 juillet 1870, la construction du tunnel fut annulée en raison de la guerre franco-allemande et de l'annexion de l'Alsace à l'Empire allemand. Le percement du tunnel démarra en 1932, mais les coûts augmentèrent rapidement, le contexte économique et politique évoluait mal et la société de forage fut en faillite en 1935. La plupart des ouvrages d'art côté alsacien étaient construits et le tunnel était percé sur une longueur de presque quatre kilomètres, soit la moitié du tunnel du côté alsacien. La partie vosgienne était en retard, cela se retournera à son avantage. La frustration locale fut d'autant plus grande que la reprise du projet traîna trop longtemps, finalement, la Seconde Guerre mondiale stoppa à nouveau la construction du tunnel. En 1943, le tunnel creusé dans sa partie alsacienne sera reconverti en camp de travail, annexe du camp de concentration de Natzwiller-Struthof, pour fabriquer des pièces de moteur d'avion pour le compte de Daimler-Benz. Les déportés, essentiellement juifs, provenaient des camps de Dachau ou du Struthof. Ils étaient majoritairement russes et polonais, il y avait aussi des Allemands et des Luxembourgeois. Finalement, le col de Bussang reste incontournable comme seul lieu de passage entre la Lorraine et l'Alsace par la route.

Hydrographie

Plaque indiquant la source de la Moselle



La source de la Moselle près du col de Bussang



Juste avant la montée du col, la Moselle forme une fourche que l'on peut voir sur le croquis des chaumes-répandises plus bas:

La source Marie dans le lieu-dit de Taye dans la montée du col


.vers le nord-est, le vallon du ruisseau de la Hutte séparé du col par le Haut du Charat, 996 m,

.vers le sud-est, le vallon du ruisseau du Sèchenat séparé du col par la tête des Allemands, 1 014 m, et alimenté par la goutte Devant,

.vers l'est au centre, la rivière de la Moselle dont la source est immédiatement alimentée par d'autres sources nommées respectivement Fontaine des Bôculons et Fontaine Saint-Louis au pied du Drumont, 1 200 m. Au dessus du col se trouve l'étang Jean au pied de la côte des Russiers. Après Bussang en direction du col et de l'annexe de Taye, les noms de route et rue sont assez évocateurs pour se rappeler qu'il y a eu tout autour du col une grande activité thermale: "avenue des sources" ou "route des sources". Il était de coutume pour les "baignants" de Plombières-les Bains d'aller au Ballon d'Alsace et aux eaux thermales de Bussang. Il ne faut pas confondre les sources d'eau minérale ferrugineuse avec la source de la Moselle. Le premier préfet des Vosges, Henri-Zacharie Desgouttes, explique dans son "Tableau statistiques des Vosges" que la "Moselle à sa source dans l'arrondissement de Remiremont, au pied de la côte du Taye." Le premier captage des sources eut lieu en 1705. Un hôtel fut construit, une chapelle, un promenoir et un établissement de bains. Tous les bâtiments établis aux sources à proximité du col furent incendiés en 1790 et il fut décidé de ne pas les reconstruire. A partir de cette date, on se contenta de vendre les bouteilles d'eau.

Les eaux minérales de Bussang qui jaillissent aux alentours du col sont évoquées par un témoignage du XIXe siècle de la manière suivante: "Nous sommes arrivés à Saint-Maurice à temps pour voir la source des eaux de Bussang, qui sortent du gazon dans une prairie ravissante, peuplée de belles vaches noires. C'est un lieu charmant, et l'eau de fontaine de Bussang est meilleure que le vin de Champagne. De là, nous avons été voir la source de la Moselle, qui est à deux pas de l'autre source: l'eau de Moselle n'a pas de vertus médicinales, mais elle devient une grande rivière (...)". Selon le préfet Desgouttes, "les eaux de Bussang sont acidules et contiennent beaucoup de gaz acide carbonique. Elles sont renommées par leur efficacité dans un grand nombre de maladies chroniques, notamment celles de l'estomac, du foie et de l'utérus".

Milieu naturel

Etages de végétation des Vosges méridionales au col de Bussang



Présence du lynx dans les Vosges méridionales


Le massif de Saint-Maurice et Bussang où se trouve le col est un site NATURA 200 de type B sur la façade lorraine dont le niveau de conservation est noté comme bon pour l'habitat forestier dominant et excellent pour l'évaluation globale des forêts de pentes et éboulis.

Les informations écologiques de la fiche du site font apparaître que le secteur se situe à 84% en forêt mixte dans les hêtraies à luzule, ou encore hêtraies du Luzulo-Fagetum, n°9110 de la Directive "l'habitat-faune-flore " de l'inventaire national du patrimoine naturel. Cette hêtraie à luzule est fortement associé au sapin blanc et à l'épicéa commun typiques des régions de moyenne montagne de l'Est de la France qu'on retrouve surtout dans les massifs hercyniens d'Europe centrale et dans les Alpes du Nord silicieuses. Elle est complétée par la hêtraie sapinière à fétuque des bois et la hêtraie subalpine dans les parties alsaciennes en contrebas des chaumes.

Le classement supplémentaire Natura 2000 du Rouge-Gazon et des Neufs-Bois eut lieu en 2010. Il concerne la crête principale du massif au sud du col de Bussang. Le couvert végétal est du même type montagnard jusqu'aux pelouses alpines des chaumes. Le seul bâtiment existant en 1910 était une ferme d'estive faisant également fonction de ferme-auberge. Aujourd'hui, elle est agrandie et modernisée pour assurer l'accueil les skieurs généralement locaux.

Côté alsacien, le col de Bussang ouvre sur le site Natura 2000 désigné "Vosges du Sud" également situé dans l'habitat global des hêtraies du Luzulo-Fagetum, majoritairement hêtraies-sapinières ou hêtraies d'altitude. On y a constaté la présence occasionnelle du lynx. Le col mène directement dans le vallon d'origine glaciaire où se situe Urbès, trace des dernières glaciations dans les Vosges, et notamment celle de Würm.

L'ancien lac glaciaire s'est partiellement transformé en tourbières flottantes, bas marais (mosaïque avec caricaies) avec saulnaies et aulnaies marécageuses protégées. Le site est classé Natura 2000 par la directive habitats et par la directive oiseaux.

Les espèces animales ou végétales d'intérêt communautaire du secteur autour du col de Bussang du Drumont au Rouge-Gazon sont identiques aux autres sites des Vosges du Sud:

.Bruchie des Vosges,
.Buxbaumie verte,
.Chabot commun,
.Damier de la succise,
.Ecrevisse à pattes blanches,
.Gélinotte des bois,
.Grand murin,
.Grand Tétras,
.Lamproie de Planer,
.Lynx,
.Murin à oreilles échancrées,
.Pie-grièche écorcheur,
.Vespertillon de Bechstein


Par ailleurs, tout le massif de Saint-Maurice-Bussang et les Vosges du Sud, côté alsacien, font partie du parc naturel régional des Ballons des Vosges.


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