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samedi 8 octobre 2016

Transport ferroviaire dans la région Lorraine

TER Lorraine (Métrolor) en gare de Nancy-Ville


Le premier train de l'histoire de la Lorraine relia Metz à Nancy le 10 juillet 1850 en 2 h 15. Cette première ligne fut prolongée en 1852 vers la Prusse.

Les voies ferroviaires sont en pleine expansion avec notamment la construction (grâce aux décisions et à une très importante prise en charge financière par les Lorrains eux-mêmes, justifiée par le profil conséquent qu'en tire la région) de la LGV Est européenne dès juin 2007 reliant Paris à Metz, Nancy en 1 h 30 ainsi que deux nouvelles gares TGV: gare de Meuse TGV (1) et la gare de Lorraine TGV(2). La région dispose aussi de bonnes liaisons par le train via le TER Lorraine (3) (Métrolor(4)).

Pour le trafic voyageur, ce sont les liaisons vers le sud qui sont les plus difficiles. La ligne Luxembourg-Dijon présente un tracé peu favorable et est fortement utilisée par les convois de fret.

Par ailleurs la quasi absence de liaisons ferroviaires vers la Franche-Comté est à déplorer. Dans le cadre de la mise en service du TGV Rhin-Rhône, il est donc envisagé de poursuivre l'électrification de la ligne Blainville-Damelevières-Lure au-delà d'Epinal pour améliorer les liaisons ferroviaires vers Belfort.

Les autres projets sont le second tronçon de la LGV Est européenne, le probable déplacement de la gare de Lorraine TGV à Vandières et l'amélioration de la Ligne Lérouville-Sarrebruck utilisée par mes TGV Paris-Francfort.

La Lorraine est également traversée par plusieurs grands axes de fret. Avec une importante gare de triage à Woippy, ce trafic fret domine: il a concerné 44% des circulations en 2002, contre 29% pour le TER, 20% pour les acheminements de matériel et 7% pour les grandes lignes. La région représente ainsi a elle seule 22% du chiffre d'affaires fret de la SNCF.
    

6-Tunnel Maurice-Lemaire de la région Lorraine

Tunnel Maurice-Lemaire detail.jpgTunnel Maurice-Lemaire


Type: Tunnel ferroviaire (1937-1976)
           Tunnel routier bidirectionnel (depuis 1976)

Département: Vosges, Haut-Rhin

Itinéraire: RN159

Traversée: Massif vosgien

Exploitant: APRR

Mode de transport: Véhicules légers et poids lourds, sauf transport de matières dangereuses.

Longueur du tunnel: 6 950m

Nombre de tubes: 1 tube circulation + 1 galerie technique

Nombre de voies par tube: 2

Ouverture à la circulation:

8 août 1937 (ferroviaire)
7 février 1976 (routier)

Fermeture: 2 juin 1973 (ferroviaire)

Le tunnel Maurice-Lemaire, communément appelé tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines, long de 6 950 mètres, permet de traverser le massif vosgien en son milieu. De son ouverture en 1937 à 1976, ce fut un tunnel ferroviaire de la ligne de Sélestat à Lesseux-Frapelle. Transformé ensuite en ouvrage d'art routier, il fut le plus long tunnel routier situé intégralement sur le territoire français jusqu'à l'ouverture du tunnel Duplex A86. Il doit son nom actuel à Maurice Lemaire, ancien directeur général de la SNCF, député des Vosges de 1951 à 1978 et plusieurs fois ministre sous la Quatrième République, qui a oeuvré pour sa vente de la SNCF aux collectivités territoriales.

Le tunnel ferroviaire

Les premiers projets datent de 1866, peu après l'arrivée du chemin de fer dans les hautes vallées vosgiennes, mais la guerre franco-prussienne de 1870 puis l'annexion de l'Alsace-Lorraine empêchèrent toute évolution.

Charles Regnauld, sous-directeur des Chemins de Fer d'Alsace-Lorraine, a réalisé les plans et a dirigé les travaux du tunnel ferroviaire. Le tunnel a été ouvert au trafic ferroviaire le 8 août 1937 pour permettre la liaison entre les gares de Lesseux-Frapelle, dans les Vosges et de Sainte-Croix-aux-Mines, dans le Haut-Rhin. Son entrée vosgienne est située sur le territoire de la commune de Lusse. Bien que la liaison ferroviaire concernée ait été prévue à voie unique, le tunnel a été percé au gabarit "double voie", ce qui était fréquemment le cas dans les ouvrages de grande longueur pour en améliorer la ventilation. Cette caractéristique sera en outre extrêmement utile pour la transformation ultérieure de l'ouvrage en tunnel routier.

Inauguré en grande cérémonie par le président de la République Albert Lebrun, il donnait passage à la liaison ferrée de Sélestat à Lesseux-Frapelle (ligne reliant Nancy, Saint-Dié, Sélestat, Colmar et Fribourg-en-Brisgau). Une liaison par autorails Colmar↔Nancy permettait la correspondance avec les trains rapides Strasbourg↔Paris.

Entre mars et septembre 1944, dans le cadre de la réorganisation de l'industrie de guerre nazie par les SS, le tunnel abrita une usine de carter d'avion dont les ouvriers étaient des déportés. Un camp fut construit devant l'entrée Est du tunnel par des détenus eux-mêmes. Ce commando, dépendant du camp de concentration du Struthof, fut évacué en septembre 1944 vers Dachau à cause de l'avancée des troupes américaines.

La ligne de chemin de fer fut fermée le 2 juin 1973 et le tunnel revendu aux collectivités territoriales, ce qui permit à la SNCF de réaliser une bonne opération financière.

Une association FERLOR, créée à Nancy, tenta de mobiliser les élus et les médias contre cette suppression de la liaison ferroviaire Nancy-Colmar. Malgré quelques échos favorables, dont un article dans Le Monde, elle ne put rien faire contre une décision inspirée par le député local, Maurice Lemaire, polytechnicien, ancien patron de la SNCF devenu apôtre du transport routier.

Le tunnel routier

Vers l'entrée du tunnel, du côté vosgien (2008)

Sous la pression conjointe des services parisiens de l'Equipement et du conseil général des Vosges présidé par Maurice Lemaire, une Société d'étude du tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines fut créée en 1966 en vue de l'exploitation ferro-routière de l'ouvrage. Elle a évolué en société d'économie mixte en 1971 afin de pouvoir procéder aux transformations nécessaires selon une formule approuvée en Conseil d'Etat le 23 avril 1973. Il avait été prévu comme tunnel mixte ferroviaire et routier, mais il a été ouvert au trafic uniquement routier le 7 février 1976. Depuis 1981, l'exploitation routière est concédée à l'APRR et ce jusqu'au 31 décembre 2022.

Avec un trafic annuel moyen de 3 400 véhicules par jour, dont 40% de poids lourds, ce tunnel est un acteur économique majeur pour les échanges transvosgiens. Les grumes, les hydrocarbures et autres matières dangereuses y sont interdits et passent par les cols.

La catastrophe du tunnel du Mont-Blanc a conduit à revoir la sécurité. Dans un premier temps, les poids lourds de 3,5 tonnes ont été interdits puis tous les véhicules à compter de 19 avril 2004 afin de réaliser des installations de sécurité. Il s'agissait de percer un tunnel secondaire de six mètres de diamètre qui sert maintenant de voie de secours. D'autre part, des zones de retournement ont été percées régulièrement dans l'ancien tunnel ainsi que des accès à la voie de secours. Les travaux entrepris ont duré jusqu'en octobre 2008. Le doublement aurait coûté 300 millions d'€. Le transit international a été dévié hors massif vosgien sur l'A4 au nord et l'A36 au sud. Après quatre années d'études et cinq années de travaux, le tunnel Maurice-Lemaire est de nouveau ouvert à la circulation depuis le 1er octobre 2008, faisant suite à la mobilisation d'élus locaux parmi lesquels le conseiller général alsacien François Tacquard.

Histoire du col Bussang de la région Lorraine: limites d'abornement de répandises et chaumes

Chaumes et répandises de Bussang

Les Bussenets avaient droit de pâture sur les répandises des chaumes. On entend par répandises les pentes boisées qui sont en dessous des hauts pâturages exploités par les marcaires. La répandise fait partie de la chaume pour lui fournir le bois de chauffe pour la fabrication du fromage et le réfection des chalets. L'abornement de 1712 décrit les limites ainsi:

.les pentes de l'envers de la Hutte, de Taye jusqu'au col formaient les répandises du Drumont, 
1 200 m;

.les pentes de l'envers de Taye, depuis Lamerey jusqu'au col étaient répandises des Neuf-Bois, 
1 228 m;

.les Champs-Colnots jusqu'au derrière de la Hutte appartenaient aux répandises de Forgoutte, 1 008 m

Histoire du col de Bussang de la région Lorraine: limites diocésaines

Evêché de Bâle avant la Révolution

Au spirituel, le col de Bussang servit également de frontière pendant des siècles entre deux très anciens et vastes diocèses qu'il ne faut pas confondre avec les principautés épiscopales impériales: celui de Toul dépendant de la province ecclésiastique ou archidiocèse de Trèves et celui de Bâle. Une fois passé lecol de Bussang vers l'Alsace, le voyageur entrait dans le doyenné ou chapitre rural de Mazopolitanum du diocèse de Bâle, donc celui de Masevaux. Ce n'est qu'à la Révolution française, plus exactement en 1790, que la réorganisation du diocèse de Bâle lui a amputé les parties aujourd'hui françaises en Alsace pour les incorporer au nouveau diocèse constitutionnel Haut-Rhin. Côté lorrain, le Pouillé ecclésiastique et civil du diocèse de Toul de 1402 décrit précisément les origines et les divisions de "l'un des diocèses les plus étendus de l'ancienne Gaule", en 6 archidiaconés comprenant 680 paroisses. La limite diocésaine touloise au col de Bussang la frontière de l'ancienne cité des Leugues (Civitas Leuguorum) qui relevait de la métropole de Trèves. Cela explique pourquoi Bussang qui se trouve à 265 km de Trèves et à seulement 65 km de Bâle, appartient au Toulois. Jusqu'à l'Ancien Régime, l'évêque de Toul a officiellement conservé le titre honorifique de Leuchorum episcopus. Les archidioconés sont apparus vers le milieu du Xe siècle et le pays de Bussang, autrefois annexe de Saint-Maurice-sur-Moselle, se trouvait dans l'archidiaconé de Vosges et le doyenné de Remiremont dont le Pouillé fait la description succincte suivante: "Le Doyenné d'Epinal. La rivière de Moselle se partage en deux, depuis sa source qui est à Bussans, dans la paroisse de Saint-Maurice, jusqu'au-dessous d'Arches qui est la dernière paroisse de ce Doyenné du côté d'Epinal (....)." 

Les premières modifications remontent à la bulle Ad univeram agri du 19 novembre 1777 par laquelle le pape Pie VI érige les diocèses de Nancy-Toul et de Saint-Dié qui dépendent tous les deux à partir de 1823 de la province ecclésiastique de Besançon, tout comme d'ailleurs le diocèse de Strasbourg qui sera élevé au rang d'archidiocèse par Jean-Paul II par la constitution apostolique Antiquissima ipsa du 1er juin 1988. Avec le traité de Campo-Formio qui met fin à la guerre franco-autrichienne en 1797, Trèves et la rive gauche du Rhinpassent de toute façon sous administration française pour la période napoléonienne. La restructuration de 1823 met un terme au lien historique des diocèses lorrains avec l'archidiocèse de Trèves créé au VIIIe siècle après 1 100 ans d'histoire commune au spirituel. La caractéristique de ces territoires diocésains se trouve, en effet, dans le caractère transfrontalier des deux territoires dépendant chacun d'une ancienne principauté épiscopale dirigée par un prince-évêque du Saint-Empire romain germanique. Toul appartenait aux Trois-Evêchés et Bâle se scindera en une ville dans la Fédération helvétique au traité de Bâle en 1499 et un évêché qu s'étend jusqu'à la trouée de Belfort. Le flanc oriental des Vosges relevait d'une terre épiscopale, aujourd'hui suisse, tandis que la façade occidentale rassemblaient des diocèses suffragants de l'archidiocèse de Trèves, désormais en Allemagne. Les deux anciens sièges épiscopaux séculaires sont donc situées en terres germanophones.

Histoire du col de Bussang de la région Lorraine: Frontières territoriales ou politiques

A l'époque celtique et gallo-romaine, le massif des Vosges sert de limite territoriale, bien que souvent perméable. Ce sont les rivières qui servent de points de repère. Le col de Bussang sépare les peuples de la terre mosellane de ceux du Rhin supérieur. Les premiers peuples germaniques, les Suèves, s'installent en échange de leur aide apportée aux Celtes Séquanes contre leurs ennemis, les Eduens. Au nord de la plaine alsacienne, ce sont les Triboques. Les prémices de la germanisation du versant oriental des Vosges comment donc à l'antiquité. A l'époque mérovingienne, l'Alsace quitte rapidement l'Austrasie franque et elle est rattachée au royaume d'Alémanie.   

Lotharingie


Le col de Bussang perd provisoirement son statut de frontière quand la Francie médiane, puis la Lotharingie sont créées car l'Alsace fait partie de ce vaste royaume. Mais, peu de temps avant le partage du duché de Lotharingie en Basse-Lorraine et Haute-Lorraine au Xe siècle, l'Alsace passe au duché de Souabe sous Burchard II en 917, donc encore une fois dans la sphère germanique. 

En fait, dès le Xe siècle, le véritable Etat voisin de Bussang au-delà du col est la principauté abbatiale de Murbach dirigée par un prince-abbé qui a autorité au spirituel et au temporel avec une voix à la Diète d'Empire où il siégeait à titre personnel. Son territoire s'est étendu au fur et à mesure des siècles depuis sa création en 728 par l'évêque missionnaire saint Firmin, l'évangélisateur de la région alémano-souabe du royaume franc oriental.

L'abbé de Murbach venait en deuxième position après le primat de Fulda par sa préséance sur tous les abbés de l'Empire. Le scriptorium de Murbach fit partie des centres du développement du vieux haut-allemand dans la sphère alémanique avec Saint-Gall et Reichenau.


Territoire de la principauté abbatiale de Murbach


En tant qu'ecclésiastique qui n'a pas le droit de verser le sang, l'abbé de Murbach était toutefois représenté par un avoué qui se chargeait de la défense et des questions militaires. C'étaient la plupart du temps des seigneurs locaux comme les comtes de Ferette ou les seigneurs de Bollwiller. Avec la création du Landgraviat de Haute-Alsace qui a aussi autorité sur la principauté abbatiale de Murbach malgré son statut d'autonomie quasi totale le col de Bussang sert de porte d'entrée dans le Sundgau, puis l'Autriche antérieure aux mains des Habsbourg. L'Autriche, en la personne de l'archiduc d'Autriche, arrive ainsi aux portes des cols vosgiens méridionaux.

A quelques kilomètres près, le col de Bussang aurait pu être un simple col de passage entre les terres de l'Insigne Chapitre de Remiremont d'un côté et de l'autre de la crête dont le duc de Lorraine est l'avoué. Les villages d'Oderen et de Kruth et une partie de Fellering appartenaient, en effet, aux Chanoinesses de Remiremont. C'est Charlemagne qui fait don au chapitre de Murbach en 973 d'une grande partie de ses possessions à Fellering. Le col d'Oderen, un peu au nord du col de Bussang, sert donc logiquement de passage vers la haute vallée de la Thur. En 1537, le prince-abbé de l'abbaye de Murbach devint le seigneur féodal de toute la haute vallée de la Thur, après avoir racheté toutes les terres que Charlemagne n'avait pas données. Le col de Bussang aura donc servi le plus longtemps de frontière entre le duché de Lorraine et la Haute-Alsace, environ sept siècles. Quand la principauté abbatiale de Murbach et la Haute-Alsace sous l'autorité des Habsbourg passent en France en 1648, le col de Bussang sépare un petit duché lorrain indépendant et un royaume français de plus en plus puissant. Ce statut de limite territoriale disparaît en 1766 quand la Lorraine ducale est annexée à la France. Un siècle plus tard, le col redevient frontière d'Etat entre la France et l'Empire allemand nouvellement créé en 1871. En 1918, il ne sépare plus que deux départements. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le IIIe Reich ne se contente pas d'occuper l'Alsace-Lorraine, mais la réintègre dans le Reich. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le col de Bussang n'est plus une frontière entre deux Etats.

vendredi 7 octobre 2016

Histoire du col de Bussang de la région Lorraine: Aux frontières d'Allemagne

Au contact de deux familles de langues vernaculaires, il sépare aussi deux langues littéraires et administratives, le français et l'allemand, et ceci pas uniquement depuis l'annexion de l'Alsace-Lorraine comme Terre d'Empire en 1871 ou le rattachement manu militari de l'Alsace au IIIe Reich en 1940. L'usage des termes "allemand" et "Allemagne" était très fréquent dans le français régional de Lorraine pour désigner tout ce qui n'est pas franco-roman. Donc l'Alsace voisine au franchissement des cols vosgiens est terre d'Allemagne. L'actuelle Moselle germanophone formait autrefois le "bailliage d'Allemagne" au sein du duché de Lorraine. La Tête des Allemands (1 014 m) et le col des Allemands (915 m) au-dessus du col de Bussang au sud font référence à la vocation frontalière culturelle entre le monde germanophone et le monde francophone bien avant la création de l'Empire allemand en 1871. Dans les patois vosgiens de la haute Moselle, on nomme aussi l'Alsace "Ollemaine" ou "Almé" alors que les habitants des Vosges romanes se nomment des "Lôrés" (dont Lorrains).Les marchands et voyageurs qui passent par le pertuis de Bussang se distinguent bien sûr grâce à leur langue, parmi ceux-ci, il est logique de dénombrer en majorité les habitants de deux versants du massif, ceux de la vallée de la Thur et ceux de la vallée de la Moselle. Au XXVe siècle et XVIe siècle, les contrôleurs des péages situés du côté lorrain signalent des convois de marchands allemands qui passent tous les huit jours entre Colmar et Saint-Nicolas de Port. Un vigneron de Thann, donc de "l'Allemagne", déclare avoir "franchi le col de Bussang à plus de cent reprises dans les dernières décennies du XVe siècle". On se côtoie pour le transit, mais également au XIXe siècle quand des Alsaciens viennent peupler le pays de Bussang, particulièrement les cités ouvrières. Bussang comptait moins de 200 habitants au XVIe siècle, moins de 500 au XVIIe siècle et 1000 en 1789. L'apport de la population germanophone au XIXe siècle ont perpétué la tradition du contact des deux cultures dans la zone tampon des crêtes vosgiennes.Le col de Bussang comme quasiment l'ensemble de la ligne sommitale vosgienne n'est pas une limite hermétique, ni pour ce qui est du passage des personnes, ni pour l'interpénétration des fangues respectives.Certains noms de lieu sont bilingues ou plurilingues si l'on compte les versions dialectales. Des mots alsaciens sont entrés dans la langue patoise locale, au-delà du pays de la vallée de la Moselle. Le terme le plus emblématique est peut-être le mot "marcaire" qui est la prononciation romane de "Malker", le trayeur. Les marcaireries symbolisent avec les chaumes les hauts pâturages des sommets vosgiens très influencés par la culture helvético-alémanique. 

lundi 3 octobre 2016

Histoire du col de Bussang de la région Lorraine: Témoignange de Michel de Montaigne

Bussang sur le tracé du parcours du voyage


Montaigne est resté à Plombières-les-Bains, "assise aux confins de la Lorraine et de l'Allemagne", du 16 septembre au 27 septembre 1580 avant de poursuivre vers Bussang. Il décrit son passage au col de Bussang dans son journal de voyage de la manière suivante: "A partir de là, nous suivimes longtemps un très beau et très plaisant vallon, couronnant la rivière de Moselle et vins mes dîners à Bossan, quatre lieues. Petit meschant village, le dernier du langage français, où MM. d'Estissac et de Montaigne revêtus de souguenies de toile qu'on leur prêta, aller voir des mines d'argent, que M.de Lorrene  a là, bien deux mille pas dans le creux d'une montagne. Après dîner, nous suivimes par les montagnes où on nous montra, entre autres choses, sur des rochers inaccessibles les aires où se prennent les autours, et ne coûtent là que trois testons du païs, et la source de la Moselle, et vins mes soupers à Tane, quatre lieues."

Le terme de col de Bussang n'étant pas d'usage au Moyen Âge et au XVIe siècle, Montaigne ne peut pas l'écrire, mais il évoque clairement le creux dans la montagne, les rochers inaccessibles et la source de la Moselle qui se trouvent à l'actuellement emplacement du col à 3 km du village de Bussang après le lieu-dit de Taye.

dimanche 2 octobre 2016

Histoire du col de Bussang de la région Lorraine: Col frontière

Limites des langues romano-alémaniques



Frontière linguistique

Limite des langues germano-romanes

Contrairement aux cols de la partie septentrionale et médiane du massif vosgien qui ne forment pas souvent la frontière linguistique entre les familles de langue romane et germanique, tout au plus la limite entre des variantes entre sous-familles de la même langue, les cols de la partie méridionale comme le col de Bussang correspondent aussi fréquemment à la frontière linguistique entre la Germania et la Romania. Cela s'explique par le fait que la limite des langues germaniques qui débordent à l'ouest (Vosges du Nord, Moselle-Est), parfois ce sont les patois lorrains qui dépassent les crêtes à l'est comme le Welche par exemple.

Le col de Bussang sépare le bas-alémanique du sud, point d'enquête n°175, à Storckensohn, et le vosgien des Vosges méridionales étudiées par Oscar Bloch, notamment avec son atlas linguistique de cette région.

Patois de Bussang , côté roman

Di ton péssa, on fyé byen mœ ké métnan. Li gen ni guégni mi tan d’ergen : lè fomme, on li p’yé di sou par jour, é on n’léz i bévé pwon d’bwèsson ; léz homme guégni déj-œt è vin sou, pou lè bwon sèyêre, è on léz i bèyè in wérre dé vin é médi
Du temps passé, on faisait bien mieux que maintenant. Les gens ne gagnaient pas tant d’argent ; les femmes, on le spayait dix sous par jour, et on ne leur donnait point de boisson ; les hommes gagnaient 18 à 20 sous, pour les bons ouvriers de scierie, et on leur donnait un verre de vin à midi


Bas alémanique du sud

Nèier Siasser’ (oder eifàch ‚Nèier‘) ìsch a Spezialität wo ma ìm Spotjohr trìnkt. 's ìsch Triwelmoscht, vu dr letschta Erbschta, wo fàngt à jara. Dr Nèier Siasser "risst", dàs heißt : dr Sàft ìsch triab, sprudlig un enthàlt a betsi Àlkohol. A Bsunderheit vum Nèier Siasser ìsch àss d Flascha nìt züe sìn: ma losst ìmmer a Lächla ìm Kapsala, àss dr Gàs vu dr Jarung üssa kàt geh. Tràditionell, trìnkt ma Nèier ìm Oktower, àm a eifach Owaassa, mìt Brot, Spack, Kaas, Nussa
Le vin bourru (ou tout simplement le « Nouveau ») est une spécialité que l’on boit en automne. C’est un moût de raisin de la dernière vendange qui commence à fermenter. Le vin bourru « prend un goût de levure », c’est-à-dire que le jus est trouble, gazeux, et il contient un peu d’alcool. L’une des particularités du vin nouveau est que la bouteille n’est pas fermée : on laisse toujours un petit trou dans la capsule pour que le gaz de la fermentation puisse s’échapper. Traditionnellement, on boit le vin nouveau en octobre, lors d’un simple repas du soir, avec du pain, du lard, du fromage et des noix

Histoire du col de Bussang de la région Lorraine: Seconde Guerre mondiale

Insigne de la 1re armée, Rhin et Danube


.Campagne d'Allemagne

Des notes du capitaine Petit du 4e/7e RCA élément de la 1re armée française, on apprend que le 26 novembre 1944, les pelotons du 7e RCA doivent être engagés vers entre le Thillot et le col de Bussang car des opérations sont prévues sur les cols des Vosges pour pénétrer en Alsace. Comme les troupes allemandes se sont repliés au col de Bussang. Une fois l'essentiel des troupes parvenu à Bussang et installé près de la gare où se trouve le PC du 4e escadron, les tirs d'artillerie sur le col commencent en début de soirée. Le 29 novembre, le col et la montagne du Dromont sont aux mains des Français à l'exception du tunnel qui résiste encore. Le 1er décembre, le Génie doit ouvrir une voie pour le passage des troupes qui attendent en bas à Bussang car le tunnel a sauté. Le lendemain, les troupes peuvent franchir le col en empruntant le chemin réalisé par le Génie qui a contourné le tunnel bouché aux deux extrémités.

En 1944, les troupes d'occupation allemandes ont longtemps défendu le col de Bussang et ont tenté de le reconquérir. La 19e armée, Groupe d'armées G, 198e ID, stationne encore côté vosgien en septembre 1944. Le recul vers le flanc alsacien de la crète vosgienne se poursuit inexorablement. Jusqu'au 14 octobre 1944, le 64e corps d'armée et la 198e division d'infanterie, sous le commandement du Général Major Otto Schiel (de septembre 44 janvier 45), occupaient le secteur. Après le 1er novembre 1944, la 198e combattait avec le 4e Luftwaffe-Feldkorps. Au moment des affrontements avec les troupes françaises du 7e RCA, 708 Volks-Grenadier-Division, sous le commandement du Général Major Wilhelm Bleckwenn et la 716e Infanterie-Division, sous le commandement du Général Major Ernst Von Bauer, qui représentent le 64e corps d'armée et la 19e armée.

Histoire du col de Bussang de la région Lorraine: Invasion de la France par les Coalisés en 1814

Le 4 janvier, le quartier général du généralissime des armées alliées Schwarzenberg met en place les opérations des 6, 7 et 8 janvier 1814 dans le cadre de la Campagne de France: il décide de la formation de quatre groupes d'armée. Le 6e corps de Wittgenstein et le 5e corps du feld-maréchal Wrede constituèrent le "Groupe d'armée d'Alsace". Le "Groupe d'armée des Vosges" fut formé par un détachement du prince Tcherbatow et le 4e corps, renforcé par une batterie lourde autrichienne et le régiment de hussards autrichiens archiduc Ferdinand.

Le corps bavarois reçut l'ordre d'investir Sélestat et d'établir le contact avec Wittgenstein après avoir apporté son appui aux Wurtembergeois à Neuf-Brisach le 6 janvier 1814. Schwarzenberg confia à Wittgenstein la tâche d'occuper la Basse Alsace et de marcher vers la Lorraine en passant par Haguenau, Saverne et Phalsbourg. Le groupe d'armée des Vosges eut Epinal pour objectif. Le baron Friedrich Wilhelm von Bülowreçut l'ordre de rejoindre Sainte-Croix le 6 janvier, puis de passer les Vosges au col du Bussang pour poursuivre le long de la vallée de la Moselle vers Remiremont et atteindre Epinal le 9 janvier. Schwarzenberg ordonna finalement au 4e corps de ne pas emprunter le Col du Bonhomme pour se rendre à Epinal bien qu'il fût proche, il préféra faire le détour de 40 km par Thann et le col de Bussang pour rejoindre Remiremont, puis Epinal. Pour soutenir le corps bavarois et assurer sa jonction avec le corps autrichien, le quartier général de l'Armée de Bohême commanda au corps Wurtembergeois de passer les Vosges afin d'atteindre Remiremont la haute vallée de la Moselle, et de là se diriger vers Plombières-les-Bains et Langres. Pour les aider dans leur tâche, on leur adjoignit les Cosaques du Don sous le commandant de Platow. Les troupes franchirent les Vosges les unes après les autres par le col de Bussang, nommé Büssing Pass en allemand



Histoire du col de Bussang de la région Lorraine: Ancienne Monarchie-Période révolutionnaire

En 1749, on sait que les compagnies de Le Deuil de l'Hôtel des Invalides et de La Cour au Chantre, doivent se rendre à Bussang. La seconde du Régiment suisse qui deviendra le 76e régiment d'infanterie en 1791, appartenait au régiment de Grandvillars qui dépendait du 2e corps commandé par le comte Woldemar de Lowendal. Elle avait déjà servi peu de temps avant pendant la Guerre de Sept Ans ou la guerre de succession d'Autriche de 1744 à 1747. Elle attendait en quelque sorte une autre affectation. En 1749, cette compagnie qui en garnison dans plusieurs villes du nord-est, fut mis sous les ordres du chevalier Jean-Alexandre de Balthazard qui en prit le commandement comme colonel propriétaire le 15 juin 1749. Le 13 mars 1755, la ville de Remiremont adresse une lettre de protestation au Chancelier de Lorraine contre une amende de 100 livres " pour défaut d'entretien de la route de Remiremont à Bussang". Le 3 août 1790, il a été donné l'ordre de donner logement, nourriture et escorte aux marquis de Lambert et de Nesle qui allaient en Alsace par Remiremont et le col de Bussang.










Histoire du col de Bussang de la région Lorraine: Guerre de Hollande

Traversée des Vosges par Turenne en hiver



Pendant la Guerre de Hollande, Turenne passe trois jours en décembre 1674 à Rambervillers pour faire reposer ses troupes. Il poursuit sa route vers Epinal et Remiremont par Padoux et Eloyes. Les sires d'Allamont et de Majastre, qui venaient juste de libérer respectivement la première et la seconde cité pour le compte du duc de Lorraine, repartirent donc au plus vite car ils ne pensaient pas tenir devant les troupes de Turenne. Le Maréchal de Créquy rejoint Turenne à Epinal afin de poursuivre les Lorrains vers la Haute-Alsace, donc par la vallée de la Moselle et le col de Bussang. Les poursuites finissent à la Bataille de Turckheim le 5 janvier 1675 avec la victoire de Turenne. En ayant fait passer ses troupes par plusieurs cols vosgiens en plein hiver pour parvenir de manière inattendue au-dessus de Turckheim, Turenne remporte une première victoire qui lui permet de gagner Strasbourg. 

Certains auteurs font passer Turenne en personne au col de Bussang, d'autres sont certains qu'il est passé par la Franche-Comté à Faucogney. Il a fait converger plusieurs détachements vers la plaine alsacienne par de nombreux cols, ce n'est donc pas exclu. On lit dans Mémoires de la Société d'archéologie lorraine et du Musée historique lorrain que "Saint-Dié voit passer le comte de Bourlémont, qui va, avec 400 hommes, occuper le col de Sainte-Marie. Enfin, le chevalier d'Hocquincourt par la Haute Moselle et le col de Bussang, pousse une pointe dans la vallée alsacienne de la Thur". Le chevalier est Georges de Monchy, marquis d'Hocquincourt, lieutenant-général des armées du roi en 1655, fait chevalier du roi en 1688. Pour confirmer cette thèse, on lit dans le Bulletin de la Société, philomatique vosgienne de 1887 que Turenne, est parti "de Belfort tandis que ses troupes légères prennent le chemin plus direct du col de Bussang et de la vallée de Thann".

Cela va de le même sens que l'article de la Société belfortaine d'émulation où on lit le texte suivant: "Il y a erreur: c'est un des lieutenants de Turenne qui traversa le col de Bussang et la vallée de Saint-Amarin. Quant à l'illsutre général après s'être emparé de Remiremont, il passa par Rupt, Faucogney, Mélisey où il resta deux jours". Une carte postale ancienne de Ad.Waick.

Histoire du col de Bussang de la région Lorraine: Guerre de Trente Ans et Guerre de Dix ans

Reinhold von Rosen au service des armées protestantes


.Novembre 1638

Le duc Charles IV sort de Franche-Comté, où il s'est réfugié après l'occupation de son duché par la France, avec environ 4 000 hommes dans l'intention de sauver Breisachaux mains des troupes protestantes. Il passe par Epinal, puis Remiremont. Il poursuit sa marche par le col de Bussang pour rejoindre la vallée de la Thur, mais il ne parviendra pas à Breisach car les troupes weimariennes, notamment la cavalerie, l'arrêteront à Thann. De nombreux nobles lorrains sont faits prisonniers, environ 600 Lorrains entrent au service de Bernard de Saxe-Weimar. Le 18 novembre 1638, les Lorrains font chanter un Te Deum dans de nombreuses paroisses pour remercier Dieu d'avoir épargner leur souverain.

.1639

Bernard de Saxe-Weimar envoie Von Rosen et Kanowski investit Thann, puis ordonne à Rosen d'empêcher les Lorrains d'approcher cette place. Rosen franchit les Vosges, il se rend à Saint-Dié où il bat un régiment de Charles IV, puis il marche sur Epinal bien que la cité fût sous les ordres de du Hallier, gouverneur de Lorraine. Puis il repart d'Epinal à Thann, donc par la route d'Alsace.

Histoire du col de Bussang de la région Lorraine: passage de troupes, garnisons et conflits

Guerre de Bourgogne 1474-1477

Charles le Téméraire


.1473: Passage de Charles le Téméraire avec la dépouille de Philippe le Bon.

Avant l'occupation de la Lorraine pendant la Guerre de Bourgogne en 1475, il y avait déjà un précédent: on lit dans Guerres d'autrefois et leçons d'aujourd'hui, le récit à connotation patriotique qui évoque la vocation frontalière du col de Bussang de la manière suivante: "(...).

En septembre 1473, il (Charles le Téméraire) a paru à Nancy, aux yeux un peu émus du très jeune René II, duc de la veille, escortant, de Bruges à la chapelle sépulcrale de Dijon, le corps de son père, Philippe le Bon. Son arrivée à Nancy se fit par le Nord et la route classique du pont de Bouxières, son départ par le Sud et la Terre des Neufchâtel, puis Charmes. Epinal, Remiremont, le pertuis d'Estraye, défilé où s'élevait, près de Bussang, le dernier château de nos limites lorraines, que gardera plus tard, au Ballon de Servance, le premier fort du rideau défensif de la haute Moselle. Ainsi, le cercueil ducal étant passé, à Charmes même, au plus près de Domrémy, Philippe le Bon va-t-il finir son dernier voyage dans notre pays, lui qui, ayant pris jadis à Compiègne la Bonne Lorraine, l'a vendue aux Anglais. Et c'est ici, du reste, dans ce même duché, qu'après deux ans, sans plus, sa dynastie pour toujours s'écroulera".

.La voie mosellane

Les mêmes Mémoires font allusion au fait que les Bourguignons connaissent bien la voie mosellane car des nobles de Bourgogne, les seigneurs de Neufchâtel, se sont emparés de sites importants au sein du duché lorrain: "Et, déjà, un Neufchâtel est sur le siège épiscopal de Toul, une Marguerite de Neufchâtel sur le trône abbatial de Remiremont: de bout en bout, le long chemin de Moselle est ouvert, la fissure prête qui coupera en deux la Lorraine: le Maître (Charles le Téméraire) peut entrer. On sait que cette guerre se terminera avec le décès du duc de Bourgogne à la bataille de Nancy le 5 janvier 1477.


Histoire du col de Bussang de la région Lorraine: déclin progressif de la voie commerciale


Lorraine ducale au moment du rattachement à la France au XVIIIe siècle


La guerre de Trente Ans, la guerre de Dix Ans et la guerre de Hollande ont mis fin au commerce international régulier sur la route d'Alsace et de Franche-Comté par le col de Bussang. Les raisons sont multiples, mais la première est géopolitique et la seconde est économique. Après ces guerres, les cols vosgiens deviennent frontières territoriales: pour le col de Bussang avec l'Alsace devenue française en 1648 au traité de Westphalie et pour le col des Croix avec la Franche-Comté devenue française en 1648 au traité de Nimègue. Comme on le voit sur la carte ci contre, Bussang et les Hautes-Vosges restent en Lorraine ducale jusqu'en 1766. Au-delà des dates, ce sont surtout les nombreuses décennies de désordre, de pillage et de guerre qui ont durablement perturbé et désorganisé le pays comme les documents d'archive, le montrent pour l'ensemble du massif vosgien très touché par la guerre de Trente Ans. L'autre facteur expliquant le déclin de la route Lorraine-Alsace-Suisse est d'ordre économique. Les changements géopolitiques perturbent les échanges traditionnels dans l'axe lotharingien car les régions annexées adoptent la législation française, notamment en ce qui concerne les taxes et les impôts. C'est par exemple Louis XIV qui introduit la gabelle en Lorraine pendant l'occupation du duché en 1633. Le rattachement de la Lorraine ne changera d'ailleurs rien aux problèmes car les taxes douanières sur les produits passant de Lorraine en France ont été maintenues. Les débouchés traditionnels des Lorrains au sud-est du massif vosgien ont périclité.

Une lettre de l'empereur Rodolphe II adressée à Eberhardt, seigneur de Ribeaupierre, permet d'avoir la confirmation de l'abandon de la route d'Alsace ancestrale par le col de Bussang. L'empereur fait connaître à son vassal son intention d'établir un bureau de péage à Saint-Marie, "attendu que les marchandises qui entraient en France ou qui venaient du côté d'Epinal, de la Lorraine et de la Bourgogne, passaient autrefois par Bergheim, Thann et Belfort, où elles étaient soumises à un droit de péage, passent maintenant par le val de Lièpvre, où elles ne payent aucun droit de péage". Or la route qui mène à Thann est celle de la vallée de la Moselle qui passe par le col de Bussang et son péage de Taye. La destinée de Thann dépendit de sa position géographique à l'entrée de la vallée de la Thur puisqu'elle "verrouillait l'accès au col de Bussang et occupait une situation de passage entre l'Empire et le royaume de France". Un extrait de l'ouvrage de l'historien local Louis Jouve sur Bussang illustre très bien la nostalgie de l'ancienne route du col de Taye: "sa situation au pied des montagnes des Vosges, loin des grandes villes, devait faire de Bussang un lieu d'arrêt tout indiqué sur la route de Metz à Bâle. Les routiers et les voyageurs de tout ordre y faisaient une halte forcée entre Thann et Remiremont, entre lesquels la distance était beaucoup trop grande pour une seule journée de voyage, vu l'état ancien des routes, presque impraticables dans la première moitié du XVIIIe siècle pour les grands transports comme pour les troupes. L'argent y circula avec plus d'abondance, les relations avec le dehors y devinrent plus actives et plus fréquentes, quand on eut rectifié, amélioré, les routes qui traversaient les montagnes des Vosges. Ah! Les routiers avec leurs voitures de transport énormes, les mallebroucks et accéléré, nous disent les vieux, quel mouvement, quelle animation, quel courant commercial cela produisait à Bussang! Vous n'avez pas idée de cela, vous, les jeunes!".

Histoire du col de Bussang de la région Lorraine: Routes commerciales médiévales

Les routes commerciales médiévales de la partie méridionale du massif vosgien, c'est-à-dire celles qui empruntaient la haute vallée de la Moselle, étaient celles qui quittaient la Lorraine:

.au col de Bussang vers l'Alsace,
.au col des Croix vers la Franche-Comté,
.au col du Mont de Fourche vers la Franche-Comté.


La route du col de Taye suit l'ancienne voie romaine Metz-Bâle (Divodurum-Augusta Basillensis) et perpétue la tradition de vallée de transit par le col de Bussang.

Col de Taye et tonnage de l'Estaye

Les possessions du chapitre de Remiremont acquises au haut Moyen Âge, au spirituel comme au temporel, étaient très étendues dans la partie méridionale du massif vosgien,elles englobaient les vallées de la Vologne, de la Moselotte et de la haute Moselle jusqu'aux crêtes à l'est et au sud. Les revenus des chanoinesses provenaient entre autres des droits de péages, des droits d'exploitation dudit haut pâturage et des tons lieux. En tant qu'avoués du chapitre, les ducs de Lorraine ont progressivement mis la main sur les terres périphériques des dames nobles en bâtissant des châteaux-forts comme à Bruyères ou à Arches lesquels deviendront les sièges des deux prévôtés montagnardes du duché lorrain. Ce fut le duc Ferry III qui usurpa le ton lieu à Bruyères en 1255 et à l'Etaye au pertuis de Bussang en 1264. Cette main mise sur le tonnage de l'Estaye (Bussang) comme sur le thonnieu de Bruyères ne répond pas au hasard, mais répond à une stratégie territoriale des ducs: il s'agissait des voies de passage principales au Moyen Âge pour passer de Lorraine en Alsace:

 1.la vallée de la Moselle:

.Epinal,
.Remiremont,
.Ban de Longchamp,
.Ban de Ramonchamp,
.Col de Bussang,

2.la vallée de la Vologne, son affluent le Neuné, la vallée de la Meurthe:
.Lunéville,
.Bruyères,
.Corcieux,
.Col du Plafond 620m,
.Fraize,
.Col du Bonhomme 978m

Une autre route d'échange commerciale et économique secondaire dans la vallée de la Haute-Moselle est celle qui mène au col des Croix (679m vers la Franche-Comté) où les voués pour la rive gauche de la Moselle, les seigneurs de Faucogney, ont établi un droit de péage et bâti le château Lambert, actuelle commune de Haut-du-Therm-Château-Lambert. Comme pour Bussang, la partie lorraine appartenait au ban très étendu de Ramonchamp où se situaient les mines du Thillot. Les deux bans menant aux deux cols, respectivement de Bussang et des Croix sont nommés dans les archives et dans le langage populaire côté lorrain et comtois les Vaulx.

A la jonction de cette voie arrivant du sud et de celle provenant du col de Bussang à l'est, donc le pertuis de l'Estaye, les ducs de Lorraine et les chanoinesses de Remiremont possédaient un autre péage qui fut la station commerciale la plus importante pour les échanges avec l'Alsace, on le nommait le pertuis de L'Etraye (aujourd'hui Letraye). Les revenus du péage de Taye justifiaient l'établissement d'une charge à caractère anoblissant. Avant le déclin de la route commerciale, en pleine guerre de Trente Ans, le duc de Lorraine confie par exemple à un Jacques Mourel dit Valroff la charge de contrôler le péage. Il arriva à Bussang vers 1638 pour y prendre à ferme le péage de Taye installé depuis 1255 à la frontière ducale de Lorraine. Suivant les sources, Jacques Valroff fut page du duc de Lorraine, chargé au péage de Taye et châtelain de Deneuve. Jusqu'à l'activité minière qui démarre en 1560 avec l'arrivée de mineurs, forestiers et charbonniers allemands, danois et suédois, Bussang est au fond un écart, ou plus encore, une simple succession d'auberges, de tavernes en contrebas de la côte qu'il fallait pouvoir gravir pour traverser les Vosges. C'était un point d'arrêt où l'on prenait des chevaux de renfort pour se lancer dans le col. Le thermalisme n'existe pas encore et l'exploitation forestière pour subvenir à la demande industrielle va s'accroître progressivement jusqu'au XVIIIe siècle.

Les commerçants-transporteurs ne voyageaient pas souvent seuls, en général, ils s'organisaient et se déplaçaient en "convois" de marchands, avec un chariot ou à pied avec une hotte. A cela, il faut ajouter les pélerins, les voyageurs et les travailleurs itinérants qui allaient de chantier en chantier. Parfois, ils peuvent se rassembler en "nation", donc en communauté de langue ou de culture par affinité. Les marchands "allemands" sont des commerçants alsaciens et autres germanophones. Ils passent le col de Bussang, le pertuis vers le monde francophone, au moins jusqu'à Metz, la plaque tournante des déplacements en Lorraine vu sa position à la croisée des chemins nord-sud et ouest-est. Au Moyen Âge, on utilisait encore les chars à transport hérités de la période gallo-romaine: le chariot à deux roues (plaustrum minus) ou à quatre roues (plaustrum majus), tirés par des boeufs ou des chevaux. La flexibilité et la mobilité de ces chariots étaient limitées, il fallait souvent un cheval d'appoint pour monter les "côtes", noms qu'on utilisait autrefois plus fréquemment que col.

Le soutien logistique par les locaux perdurera jusqu'au XVIIIe siècle puisque dans les archives de la ville on évoque toujours les aubergistes et cabaretiers dont "certains employaient des chevaux uniquement à faire la conduite des voitures jusqu'au col de Bussang". Les rouliers faisaient aussi les commissions des particuliers et des communautés. Il y avait une voiture qu'on appelait "l'accéléré" qui gérait également les services de la poste. En outre, les aubergistes devaient posséder des locaux très spacieux pour loger hommes et montures, remiser les voitures, abriter les chevaux et les boeufs. Les produits transportés sur cette voie mosellane sont peu ou prou les mêmes  Champagne en direction de Langres et de la Suisse ou encore le long du Neckar. Néanmoins, on relève des spécificités en fonction des périodes économiques ou des activités artisanales en vogue à tel ou tel moment de l'histoire lorraine. Parmi les produits phares, on compte:

.le vin pour lequel Metz et Cologne assurait l'essentiel du trafic,

.le verre: le verre plat, blanc ou coloré "façon Lorraine", et après le séjour d'un verrier local à Murano pendant 13 ans, le verre cristallin ou "verre de Venise jusqu'à la moitié du XVIe siècle. Tous furent produits dans les verreries de la Vôge autour de Darney et Fontenoy-le-Château. On connaît l'ascension professionnelle de Pierre Thierry à Fontenoy qui devint commissionnaire de grandes firmes internationales du secteur parce qu'il avait la responsabilité de la conduicte d'Italie. Son réseau commercial s'étend de l'Angleterre à l'Italie du Nord en passant par la Flandre,

.la laine ou la draperie: la Flandre resta longtemps le centre de la branche textile en relation constante avec l'Italie qui servirait de transition avec l'orient. En revanche, la Moselle servait de relais avec le Rhin pour ceux qui ne circulaient pas par la voie principale légèrement plus au sud que le massif vosgien, donc par la Porte de Bourgogne,

.le bois pour les fonderies et manufactures royales de chaque côté de la ligne de crête (Masevaux, Oberbruck, Saint-Maurice-sur-Moselle...),

.le sel: la route du sel qui passait par le col de Bussang en direction de Mulhouse, puis Bâle, était la route de la Lorraine à la Suisse. Le sel lorrain était vendu également dans la Haute-Alsace (qui appartenait essentiellement à l'Autriche antérieure), le sud-ouest de l'actuelle Allemagne, la région frontalière suisse avec l'évêché de Bâle. Le "roulage" du sel par le col de Bussang continua jusqu'à la Révolution française. C'est probablement le dernier produit régulièrement transporté par le col avant l'industrialisation et l'arrivée du textile dans la vallée. On lit dans les archives que la "grande traite des sels" allait de Thann à Delle à la frontière avec la Suisse. La route du col de Bussang y est décrit comme tellement étroite dans la montée (nommée "die Steige" par les Alsaciens) que le double sens n'était pas possible pour deux chariots. Ceux qui descendaient devaient utiliser les emplacements spécialement aménagés à cet effet pour laisser passer les chariots qui montaient. 

Histoire du col de Bussang de la région Lorraine

Période gallo-romaine

Le nom latin de l'étape au pied du col de Bussand était Wixenterius, il deviendra par la suite Visentine pendant quelques siècles pour désigner Saint-Maurice-sur-Moselle et Bussang son annexe. Il se trouve sur la voie romaine secondaire qui va de Trèves, Metz à Augusta Raurica, actuellement en Suisse près de Bâle. Les voies romaines ont souvent repris et amélioré les routes gauloises déjà existantes, c'est le cas de la jonction entre les Leuques et les Séquanes ou Lingons par la haute Moselle. 



Les deux viae publicae contournant les Vosges dans la table de Peutinger

Il s'agit d'une via vicinalis, voie secondaire, qui se détache à Illzach, en latin Uruncis, de la via publica, voie romaine principale Argentoratum-Vesontio pour entrer dans la vallée de la Thur et franchir les Vosgesau col de Bussang. La voie de la Moselle poursuit vers Letraye, Vécoux, Remiremont et sort des Vosges pour rejoindre une autre via publica: Lugdunum-Augusta Treverorum par la capitale des Lingons, Andemantunnum. La table de Peutinger indique les deux axes majeurs, mais pas la voie secondaire. Elle est en revanche décrite dans l'itinéraire d'Antonin. Les voies secondaires étaient souvent construites par les légions avec l'aide des habitants des régions qu'elles traversaient. A intervalles réguliers, il y avait des haltes-relais dits mutationes tous les 15 km, relais pour changement de monture et un petit en-cas, et tous les 40 km, desmansiones: les mansiones étaient dirigées par un manceps ou praepositus mansionis pour une période de cinq an. Dans les lieux très fréquentés comme sur la voie romaine Reims-Metz-Strasbourg, des vici ou agglomérations rurales sont nées autour de ces mansiones. A l'origine, elles furent érigées pour le cursus publicus, l'équivalent du service postal officiel. Mais, très vite, elles furent agrandies de plusieurs bâtiments car elles servirent de halte ou de gîte aux voyageurs et aux marchands itinérants. On voyageait d'une mansio à l'autre. Elles avaient souvent une forme en U et comportaient des écuries, des emplacements pour les voitures, des dortoirs et des réfectoires. Parfois, on y trouvait aussi des thermes. Ce n'est pas le cas de Bussang.

A l'origine, elles furent érigées pour le cursus publicus, l'équivalent du service postal officiel. Mais, très vite, elles furent agrandies de plusieurs bâtiments car elles servirent de halte ou de gîte aux voyageurs et aux marchands itinérants. On voyageait d'une mansio à l'autre. Elles avaient souvent une forme en U et comportaient des écuries, des emplacements pour les voitures, des dortoirs et des réfectoires. Parfois, on y trouvait aussi des thermes. Ce n'est pas le cas de Bussang.

En contrebas ou en haut des côtes, plus prononcées, le gîte d'étape disposait de bêtes de traie supplémentaires pour aider les attelages à monter ou à descendre. Pour la descente un autre col des Vosges, le col de Saverne à l'Usspann en est une bonne illustration. Le transport de personnes se faisait avec l'essedum déjà pratiqué par les Gaulois, mais aussi par la rheda qui a l'avantage d'être moins large et adapté aux chemins étroits comme ceux des voies naturelles en fond de vallée dans les massifs montagneux ou encore les petorrita. Cependant, comparée à la route royale 66, l'ancienne voie romaine vicinale qui arrivait de Fresse-sur-Moselle empruntait le flanc du coteau du Lait pour éviter un fond de vallée à l'époque très marécageux. La même voie était encore utilisée au XVIIe siècle quoique les ducs de Lorraine aient demandé à une réfection en 1615, puis en 1630. Le transport des marchandises se faisait essentiellement avec les diverses variantes du plaustrum.

dimanche 25 septembre 2016

5.Col de Bussang de la région de Lorraine

Image illustrative de l'article Col de BussangVue de la route franchissant le col


Altitude: 731 m

Massif: Massif des Vosges

Vallée: Vallée de la Moselle (ouest) et Vallée de la Thur (est)

Ascension: Saint-Maurice-sur-Moselle(ouest) et Urbès (est)



Le col de Bussang est l'un des plus fréquentés du massif des Vosges. Il relie la Lorraine et l'Alsace par la route nationale 66. Les deux communes au bas de ce colsont Bussang du côté lorrain et Urbès du côté alsacien.

Toponymie

Col de Bussang


L'usage du terme de Bussang est plutôt récent. De chaque côté de la limite des langues franco-allemandes, on avait l'habitude de dire ou de lire:

.Pour la partie francophone (y compris en dialecte vosgien)

-Passage de Taye
.Pertuis d'Estaye (Perthus, Perthuix, Potieu)
.Col de l'Estaye
.Pertuis de Taye ou de la Taye
.La Côte du Taye

.Pour la partie germanophone (y compris en dialecte alsacien)

-Steige zur Linden (Steig zür Linde)
.D'Steig
.Pass zur Linden
.Der Brussang-Sattel (ou der Sattel)


Les toponymes des agglomérations en deçà du col de chaque côté, Bussang ou Urbès, apparaissent visiblement très peu ou pas du tout dans les premières appellations du col. La partie germanophone insiste, comme c'est le cas pour d'autres régions du massif vosgien côté alsacien, sur la caractéristique topographique: l'emploi du terme "Steige" désigne une "côté" ou une "montée". On retrouve la même dénomination pour le col de Saverne (en allemand Zaberner Steige), le col de Steige à Offwiller entre Moselle et Bas-Rhin. En réalité, la dénomination Steige renvoie dans l'esprit des germanophones très peu à des régions montagnardes ou de haute montagne. La Steige fait référence en général dans les langues allemandes du sud et sud-ouest à une route qui monte de manière abrupte. Contrairement au col, elle n'a pas forcément pour vocation de permettre le franchissement d'une montagne pour passer dans la vallée voisine. Ainsi, on trouve beaucoup de Steigen dans les régions collinéennes ou encaissées du centre-sud de l'Allemagne quand on passe du fond de vallée aux parties surélevées du relief environnant.

Le terme Sattel (désignant la selle en allemand) renvoie en revanche clairement à la vocation du col de montagne comme structure "en selle de cheval" formée en montagne par l'intersection entre une ligne de crête et de deux talwegs situés de part et d'autre. L'échancrure resserrée entre la Tête des Allemands, 1 014 m, et la Tête des Russiers, 1 187 m, est très visible en venant de Lorraine. Les dénominations germanophones ajoutent fréquemment la mention Zur Linden: "des ou aux tilleuls".  En français régional lorrain sont fréquemment désignés par les appellations "pertuis", "plain" ou "passage". On parlait du pertuis d'Estaye ou du Passage de la Traye. On utilisait couramment en langue patoise vosgienne des pays de Saint-Dié ou Remiremont les termes régionaux pour "pertuis" potieu ou pètu pour désigner un trou, un col ou un passage étroit qui fait figure d'ensellement dans la montagne. Comme pour Steize, le terme de côté revient souvent dans les écrits du XIXe siècle. Le premier préfet des Vosges, Henri-Zacharie Desgouttes, décrit le col de Bussang sans prononcer le mot "col" une seule fois, "La Moselle a sa source dans l'arrondissement de Remiremont, au pied de la côte du Taye, dont le point le plus haut, faisant la jonction de deux côtés, forme la limite des départements des Vosges et du Haut-Rhin". En revanche, l'accent est mis sur deux côtés qui se rejoignent au point culminant du col.


Géographie

Voie routière et ferroviaire


Axe routier


carte de localisation des principaux col des Vosges

Le col de Bussang est situé sur la RN 66, anciennement route royale n°66, autrefois route impériale n°84. L'ancien tracé de la route romaine a perduré jusqu'au XVIIe siècle. C'est en 1724-25 que la nouvelle route, dont l'actuelle, emprunte le fond de vallée après avoir asséché les parties marécageuses contournées par la voie romaine. Vingt années plus tard, et pendant 18 ans, la nouvelle route de Saint-Maurice-sur-Moselle vers Giromagny par ce qui deviendra le col du Ballon d'Alsace désenclavera la haute vallée mosellane et accélérera le transit vers l'Alsace par Thann ou Belfort.

A l'origine, la route royale, puis nationale reliait Bar-le-Duc en Meuse (Lorraine) à Bâle (Suisse). Cela correspond à la voie commerciale de l'Ancien Régime. En revanche, le tracé de la route nationale ne suit pas toujours celui de la voie romaine. La partie meusienne a été déclassée dans les années 1970 en route départementale 966 (Meuse) ou elle est partiellement devenue l'actuelle route nationale 135) de Bar-le-Duc à Ligny-en-Barrois: le tronçon vosgien de la route nationale jusqu'à Epinal s'est transformé en route départementale 166. Des tronçons de la partie haut-rhinoise ont également été déclassés en routes départementales. La RN 66 relie aujourd'hui Remiront à Mulhouse, son équivalent européen est la route européenne 512. Pour faciliter le passage du col, notamment pour la grosse artillerie, un tunnel a été construit en 1848 sous la direction de M. Houot, conducteur des Ponts et Chaussées, maire d'Epinal. La longueur totale s'élevait à 251 m dont 60% étaient du côté lorrain. A l'annexion de l'Alsace-Lorraine se trouvait à l'entrée du tunnel le bureau des douanes avec un poste de secours établi par le Touring-Club. De nombreuses anciennes cartes postales montrent les deux côtés du tunnel avec les douaniers. Sur les cartes postales anciennes, on reconnait facilement l'ancien tracé de la route du col qui, côté lorrain, passe à droite du tunnel en le surplombant encore de quelques mètres. Le tunnel a été dynamité en 1944, il n'a pas été reconstruit.


Projet de tunnel ferroviaire


Pont ferroviaire inachevé à Urbès pour ligne Bussang-Urbès

Effort de guerre Daimler-Benz et la déportation


Comparées aux Alpes suisses, pourtant plus élevée en altitude, les moyennes montagnes des Vosges ont longtemps été contournées. Il n'existe qu'un seul tunnel ferroviaire, puis routier qui traverse le massif, celui de Sainte-Marie-aux-Mines, il a été ouvert à la circulation en 1976, auparavant il n'était destiné qu'aux chemins de fer.  Il fut très longtemps le plus tunnel de France avec quasiment 7 km de longueur (6 950 m). Le col de Sainte-Marie fut également l'un des passages entre la Lorraine et l'Alsace en empruntant la vallée de Meurthe et le plus souvent le col du Bonhomme. 

La voie mosellane historique, qui a le col de Bussang pour seul obstacle naturel sur son tracé avant l'arrivée en Suisse à Bâle, aurait pu avoir son tunnel ferroviaire entre le Benelux et l'Italie par une nouvelle voie de 52 kilomètres depuis la gare de Bussang jusqu'à la gare de Fellering. Le tunnel Urbès-Saint-Maurice-sur-Moselle aurait mesuré 8 287 m de longueur et il aurait été le plus long ouvrage souterrain français au milieu du XXe siècle. Décidée le 11 juillet 1870, la construction du tunnel fut annulée en raison de la guerre franco-allemande et de l'annexion de l'Alsace à l'Empire allemand. Le percement du tunnel démarra en 1932, mais les coûts augmentèrent rapidement, le contexte économique et politique évoluait mal et la société de forage fut en faillite en 1935. La plupart des ouvrages d'art côté alsacien étaient construits et le tunnel était percé sur une longueur de presque quatre kilomètres, soit la moitié du tunnel du côté alsacien. La partie vosgienne était en retard, cela se retournera à son avantage. La frustration locale fut d'autant plus grande que la reprise du projet traîna trop longtemps, finalement, la Seconde Guerre mondiale stoppa à nouveau la construction du tunnel. En 1943, le tunnel creusé dans sa partie alsacienne sera reconverti en camp de travail, annexe du camp de concentration de Natzwiller-Struthof, pour fabriquer des pièces de moteur d'avion pour le compte de Daimler-Benz. Les déportés, essentiellement juifs, provenaient des camps de Dachau ou du Struthof. Ils étaient majoritairement russes et polonais, il y avait aussi des Allemands et des Luxembourgeois. Finalement, le col de Bussang reste incontournable comme seul lieu de passage entre la Lorraine et l'Alsace par la route.

Hydrographie

Plaque indiquant la source de la Moselle



La source de la Moselle près du col de Bussang



Juste avant la montée du col, la Moselle forme une fourche que l'on peut voir sur le croquis des chaumes-répandises plus bas:

La source Marie dans le lieu-dit de Taye dans la montée du col


.vers le nord-est, le vallon du ruisseau de la Hutte séparé du col par le Haut du Charat, 996 m,

.vers le sud-est, le vallon du ruisseau du Sèchenat séparé du col par la tête des Allemands, 1 014 m, et alimenté par la goutte Devant,

.vers l'est au centre, la rivière de la Moselle dont la source est immédiatement alimentée par d'autres sources nommées respectivement Fontaine des Bôculons et Fontaine Saint-Louis au pied du Drumont, 1 200 m. Au dessus du col se trouve l'étang Jean au pied de la côte des Russiers. Après Bussang en direction du col et de l'annexe de Taye, les noms de route et rue sont assez évocateurs pour se rappeler qu'il y a eu tout autour du col une grande activité thermale: "avenue des sources" ou "route des sources". Il était de coutume pour les "baignants" de Plombières-les Bains d'aller au Ballon d'Alsace et aux eaux thermales de Bussang. Il ne faut pas confondre les sources d'eau minérale ferrugineuse avec la source de la Moselle. Le premier préfet des Vosges, Henri-Zacharie Desgouttes, explique dans son "Tableau statistiques des Vosges" que la "Moselle à sa source dans l'arrondissement de Remiremont, au pied de la côte du Taye." Le premier captage des sources eut lieu en 1705. Un hôtel fut construit, une chapelle, un promenoir et un établissement de bains. Tous les bâtiments établis aux sources à proximité du col furent incendiés en 1790 et il fut décidé de ne pas les reconstruire. A partir de cette date, on se contenta de vendre les bouteilles d'eau.

Les eaux minérales de Bussang qui jaillissent aux alentours du col sont évoquées par un témoignage du XIXe siècle de la manière suivante: "Nous sommes arrivés à Saint-Maurice à temps pour voir la source des eaux de Bussang, qui sortent du gazon dans une prairie ravissante, peuplée de belles vaches noires. C'est un lieu charmant, et l'eau de fontaine de Bussang est meilleure que le vin de Champagne. De là, nous avons été voir la source de la Moselle, qui est à deux pas de l'autre source: l'eau de Moselle n'a pas de vertus médicinales, mais elle devient une grande rivière (...)". Selon le préfet Desgouttes, "les eaux de Bussang sont acidules et contiennent beaucoup de gaz acide carbonique. Elles sont renommées par leur efficacité dans un grand nombre de maladies chroniques, notamment celles de l'estomac, du foie et de l'utérus".

Milieu naturel

Etages de végétation des Vosges méridionales au col de Bussang



Présence du lynx dans les Vosges méridionales


Le massif de Saint-Maurice et Bussang où se trouve le col est un site NATURA 200 de type B sur la façade lorraine dont le niveau de conservation est noté comme bon pour l'habitat forestier dominant et excellent pour l'évaluation globale des forêts de pentes et éboulis.

Les informations écologiques de la fiche du site font apparaître que le secteur se situe à 84% en forêt mixte dans les hêtraies à luzule, ou encore hêtraies du Luzulo-Fagetum, n°9110 de la Directive "l'habitat-faune-flore " de l'inventaire national du patrimoine naturel. Cette hêtraie à luzule est fortement associé au sapin blanc et à l'épicéa commun typiques des régions de moyenne montagne de l'Est de la France qu'on retrouve surtout dans les massifs hercyniens d'Europe centrale et dans les Alpes du Nord silicieuses. Elle est complétée par la hêtraie sapinière à fétuque des bois et la hêtraie subalpine dans les parties alsaciennes en contrebas des chaumes.

Le classement supplémentaire Natura 2000 du Rouge-Gazon et des Neufs-Bois eut lieu en 2010. Il concerne la crête principale du massif au sud du col de Bussang. Le couvert végétal est du même type montagnard jusqu'aux pelouses alpines des chaumes. Le seul bâtiment existant en 1910 était une ferme d'estive faisant également fonction de ferme-auberge. Aujourd'hui, elle est agrandie et modernisée pour assurer l'accueil les skieurs généralement locaux.

Côté alsacien, le col de Bussang ouvre sur le site Natura 2000 désigné "Vosges du Sud" également situé dans l'habitat global des hêtraies du Luzulo-Fagetum, majoritairement hêtraies-sapinières ou hêtraies d'altitude. On y a constaté la présence occasionnelle du lynx. Le col mène directement dans le vallon d'origine glaciaire où se situe Urbès, trace des dernières glaciations dans les Vosges, et notamment celle de Würm.

L'ancien lac glaciaire s'est partiellement transformé en tourbières flottantes, bas marais (mosaïque avec caricaies) avec saulnaies et aulnaies marécageuses protégées. Le site est classé Natura 2000 par la directive habitats et par la directive oiseaux.

Les espèces animales ou végétales d'intérêt communautaire du secteur autour du col de Bussang du Drumont au Rouge-Gazon sont identiques aux autres sites des Vosges du Sud:

.Bruchie des Vosges,
.Buxbaumie verte,
.Chabot commun,
.Damier de la succise,
.Ecrevisse à pattes blanches,
.Gélinotte des bois,
.Grand murin,
.Grand Tétras,
.Lamproie de Planer,
.Lynx,
.Murin à oreilles échancrées,
.Pie-grièche écorcheur,
.Vespertillon de Bechstein


Par ailleurs, tout le massif de Saint-Maurice-Bussang et les Vosges du Sud, côté alsacien, font partie du parc naturel régional des Ballons des Vosges.