Prémices
Fulgence Bienvenüe, le père du Métro de Paris
Vers 1845, la ville de Paris et les compagnies de chemin de fer envisagent d'établir un réseau de chemin de fer dans Paris. Il s'agit à l'époque de véhiculer des marchandises. En 1871, à la suite des premières élections municipales de Paris, le sujet est remis à l'ordre du jour au cours d'une session du Conseil Général de la Seine: le projet évoqué concerne la création d'un chemin de fer local qui doit desservir l'ensemble du département de la Seine, c'est-à-dire un mode de transport intermédiaire entre les omnibus et tramways hippomobiles assurant alors la desserte de Paris et le réseau existant de chemin de fer à vocation nationale et régionale. A l'époque, la voie ferrée dans Paris se limitait aux neuf gares terminus en cul-de-sac et aux six gares de passages interconnectées par la Petite Ceinture, lign circulaire ouverte aux voyageurs et comprenant 21 gares.
Par la suite deux conceptions vont s'opposer: la municipalité parisienne souhaite réaliser un réseau placé sous tutelle locale et assurant une desserte de la ville répondant en priorité aux besoins de ses habitants tandis que les compagnies de chemin de fer et les services de l'Etat (Préfecture, Ponts et Chaussée, Conseil d'Etat) axent le futur réseau sur des prolongements des lignes existantes aboutissant dans les gares parisiennes (gares Saint-Lazare, du Nord, de l'Est, de la Bastille, de Lyon, d'Austerlitz, d'Enfer, des Invalides et Montparnasse) reliées entre elles par la ligne de Petite Ceinture. Le conflit est renforcé par de profondes divergences politiques (la municipalité de Paris est à gauche alors que le gouvernement est longtemps entre les mains des conservateurs) et compliqué par l'absence d'autonomie de la municipalité parisienne placée sous la tutelle de la Préfecture.
Entre 1856 et 1890, plusieurs projets sont élaborés sans qu'aucun n'aboutisse. Sur le plan technique à côté de projets farfelus s'opposent les propositions de réseau aérien, à la manière des premiers métros américains, et de réseau souterrain. Les projets aériens sont contestés par ceux qui redoutent une dégradation des plus belles perspectives parisiennes, tandis que les projets souterrains suscitent des craintes pour la sécurité et la santé des voyageurs.
Durant cette période les villes de Londres et New York, confrontées au même choix, créent un premier réseau consistant à prolonger les lignes de chemin de fer dans la ville avant de créer par la suite un réseau spécial (avec un gabarit différent): ainsi Londres met en service en 1863 une ligne circulaire desservie par des trains à vapeur et assurant l'interconnexion des gares londoniennes. En 1867, New York met à son tour en service un réseau de chemin de fer à vapeur dans la ville perché sur des viaducs métalliques (le premier vrai métro-l'IRT au gabarit plus réduit-sera mis en service en 1904). En 1890, la première ligne de vrai métro londonien-souterrain et électrique, au gabarit surbaissé- (le "Tube") est inaugurée. Enfin en 1896, Budapest inaugure une ligne de tramway entièrement souterraine, le "Földalatti".
La combinaison de plusieurs facteurs finit par débloquer le projet parisien: on peut citer la pression de l'opinion publique mobilisée par les échecs précédents, la croissance démographique parisienne, l'exemple des capitales étrangères, l'arrivée d'hommes nouveaux à des postes clés de la municipalité, du gouvernement et des services techniques de l'Etat, le changement des équilibres politiques, l'apparition de lobbies industriels (les compagnies électrotechniques) favorables au métro et l'approche de l'exposition universelle et des Jeux olympiques d'été de 1900. Tous ces facteurs décident les autorités à lancer enfin la construction du métro. La solution de la ville de Paris est retenue. L'Etat concède à celle-ci la conception et la réalisation de l'ouvrage.
Après l'adoption le 20 avril 1896 du projet de réseau de Fulgence Bienvenüe et d'Edmond Huet, le "chemin de fer métropolitain" est déclaré d'utilité publique par une loi du 30 mars 1898: le décret prévoit la construction d'une première tranche de 6 lignes avec une option pour 3 autres lignes. Les travaux sont lancés le 4 octobre 1898 dans le cadre d'une convention passée entre la Ville de Paris et la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris (CMP), propriété en Belgique. Cette concession sera nationalisée après la Deuxième Guerre mondiale par la loi du 21 mars 1948 entraînant une indemnité pour rupture de concession au 1er janvier 1945 ainsi que la destruction des archives, effaçant toute trace de la fondation et de l'exploitation du métro de Paris par le secteur privé.
Dès l'origine, le cahier des charges de la construction du métro de Paris précise que celui-ci sera souterrain, à traction électrique, avec une voie à écartement normal et un gabarit de 2,40m qui interdit toute circulation des trains normaux. Le but est que le métro de Paris ne puisse franchir les portes de la capitale et aussi qu'aucun convoi venant de l'extérieur ne puisse pénétrer dans la ville en souterrain, les raisons de ces obligations étant pour les militaires, stratégique, et pour la municipalité, politique, afin de garantir l'indépendance du réseau entièrement sous contrôle de la ville de Paris et de ne pas le donner en concession aux Rothschild ou Wendel comme pour les chemins de fer. Le cahier des charges impose de construire des voies avec une déclivité maximale de 40mm/m et un rayon de courbure minimal de 75m. La longueur des stations est fixée à 75m. Elle sera portée par la suite à 90m (effectif sur l'ensemble des lignes 1 et 4) puis 105m (généralisé sur aucune ligne).