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mercredi 2 décembre 2015

Paul Doumer

Paul Doumer en 1931.Paul Doumer, en 1931

Joseph Athanase Paul Doumer, né le 22 mars 1857 à Aurillac (Cantal) et décédé assassiné le 7 mai 1932 à Paris, est un homme d'Etat français, président de la République française de 1931 à son décès, en 1932, durant la IIIe République.

Membre du Parti radical, ministre des Finances à trois reprises, puis président du Sénat, Paul Doumer vit sa carrière couronnée par son élection à la présidence de la République, en 1931. Il est assassiné moins d'un an après son investiture, en 1932, par un jeune émigré russe, Paul Gorgulov.

Biographie

Des origines modestes

Paul Doumer est issu d'une famille modeste du Quercy, dont les membres sont habituellement manouvriers ou cultivateurs. Il est le dernier enfant de Jean Doumer, né en 1814, et de Victorine David, née en 1823. Il a deux soeurs: Renée (1854) et Thérèse (1855).

Lors de sa naissance, son père est poseur de rails de la Compagnie des chemins de fer d'Orléans. Peu après, la famille quitte Aurillac pour Mende (Lozère), puis pour Paris; Jean Doumer décéda et sa veuve travaille comme femme de ménage. Paul est scolarisé à l'école communale de la rue Ramey à Paris.

Une ascension sociale

Paul Doumer est un cas emblématique d'ascension sociale par l'école.

Après avoir obtenu le certificat d'études primaires, il commence à travailler à 12 ans comme coursier, il devient ensuite ouvrier graveur dans une fabrique de médailles, tout en poursuivant ses études grâce aux cours du soir du Conservatoire national des arts et métiers. Il est reçu au baccalauréat ès-sciences puis, entré dans l'enseignement comme répétiteur, obtient, en 1877, une licence de mathématiques. Il est nommé professeur de mathématiques au collège de Mende. L'année suivante, il obtient une licence de droit. En 1878, il épouse Blanche Richel, dans la famille de laquelle il logeait pendant ses études. De leur mariage naîtront huit enfants:


  • Fernand Doumer (1879-1972), officier et industriel,
  • Hélène Doumer (1880-1968),
  • Marcel Doumer (1886-1918), ingénieur, mort pour la France,
  • René Doumer (1887-1917), attaché bancaire, mort pour la France,
  • André Doumer (1889-1914), lieutenant d'artillerie, mort pour la France,
  • Armand Doumer (1890-1923), docteur en médecine, gazé, mort pour la France,
  • Lucile Doumer (1893-1918), mariée à Marcel Pasquier, docteur en droit,
  • Germaine Doumer (1897), mariée à Louis Lemaire, résistante, connue pour avoir abattu un sous-officier allemand le 17 juin 1940.

En 1879, il est nommé au collège de Remiremont (Vosges). Parallèlement à l'enseignement, qu'il quittera en 1883 pour raisons de santé, il commence à fréquenter le monde de la presse et écrit quelques articles à l'occasion de ses vacances à Paris. En 1880, par l'intermédiaire de son beau-père, ancien inspecteur primaire dans l'Aisne, il entre en contact avec des personnalités parisiennes: l'historien Henri Martin et l'archéologue William Waddingon, tous deux sénateurs du département. Il devient grâce à eux rédacteur en chef du journal Le Courrier de l'Aisne, à Saint-Quentin. Il est sur une ligne très radicale, de sorte qu'à la mort d'Henri Martin, la direction du journal l'oblige à démissionner. Il fonde alors La Tribune de l'Aisne.

De la Chambre au gouvernement

Aux élections municipales de 1885, il se présente sur une liste qui, avec le soutien actif de La Tribune, obtient la majorité. Il devient conseiller municipal et est remarqué par Charles Floquet, président du Conseil, qui en fait son chef de cabinet.

En 1888, à l'occasion d'un scrutin partiel, il est élu député de la deuxième circonscription de Laon. A la Chambre, il siège dans les rangs de la gauche radicale. Il est cependant battu lors des élections générales de septembre 1889. Il se présente alors à un autre scrutin partiel en 1890 à Auxerre et est élu au deuxième tour; il est réélu aux élections de 1893. En 1894, il est à l'origine avec Godefroy Cavaignac d'un projet d'impôt sur le revenu, soutenu par Jean Jaurès, mais repoussé par la Chambre. Il se fait remarquer en 1895 comme rapporteur du budget des Colonies par une étude sur la situation financière de l'Anmam et du Tonkin, et dès cette époque, on pense à lui pour occuper le poste de gouverneur général de l'Indochine, que son titulaire, Rousseau, souhaite quitter.

En novembre 1895, il est nommé ministre des Finances, dans le gouvernement Bourgeois, qui est renversé quelques mois plus tard, en avril 1896. A la suite du décès du gouverneur général de l'Indochine, Jules Méline lui offre de prendre ce poste. Paul Doumer est nommé le 28 décembre 1896; il est remplacé à la Chambre par Jean-Baptiste Bienvenu-Martin.

Gouverneur de l'Indochine

La Villa Blanche de Paul Doumer au Cap Saint-Jacques (photographie de 2013)

Gouverneur général de l'Indochine de 1897 à 1902, où il succède à Armand Rousseau, il réorganise la structure de la colonie en basant le gouvernement à Hanoï, où il fait construire une nouvelle résidence, et en créant les différents budgets de l'Union indochinoise. Il se fait également construire la Villa Blanche au Cap Saint-Jacques, lieu de villégiature prisé des coloniaux de Cochinchine.

Sur le plan des infrastructures, il est un ferme partisan de la construction du chemin de fer Transindochinois (achevé en 1937) dont l'essentiel du plan du réseau avait été dressé par son prédécesseur. Il obtient pour la réalisation du chemin de fer du Yunnan un emprunt de 200 millions de francs-or. Ses services font achever les travaux du port de Haïphong, commencés sous le mandat de Paul Bert par le groupe lyonnais dirigé par le soyeux Ulysse Pila (1837-1909). Etant l'un des premiers administrateurs de la Compagnie générale d'électricité (fondée par Pierre Azaria), il fait de Hanoï la première ville d'Asie à avoir l'électricité. il entérine le souhait du pasteurien Alexandre Yersin de construction d'un premier sanatorium à Dalat.

A la suite de l'agronome Auguste Chevalier et de l'économiste Henri Brenier, Paul Doumer est favorable à l'acclimatation de l'hévéa, dont la culture est déjà importante en Malaisie britannique, et aux Indes néerlandaises dans les terres récemment conquises de Sumatra. Il légalise le monopole de l'opium, très rentable pour le budget de la colonie.

Son autoritarisme et l'apparition de tensions avec la Chine, dans le contexte très tendu de la guerre des Boxers entraînant son rappel en métropole, alors que Théophile Delcassé et Paul Cambon s'efforcent de surmonter le différend franco-britannique qui fait suite à l'incident de Fachoda. Paul Doumer, accusé de "césarienne", est remplacé par le diplomate Paul Beau afin d'apaiser la situation plus que tendue à la frontière avec le Yunnan chinois.

Une figure du Parlement

Caricature par Sem (1905)



Paul Doumer en 1913


A son retour d'Indochine, il entre en contact avec l'historien et écrivain André Lichtenberger, qui devient son assistant. Réélu député de l'Aisne en 1902, il est placé à la tête de la commission des Finances. Ayant évolué avec son retour en politique, il subit de vives attaques de ses anciens compagnons de la gauche radicale. A l'issue d'une élection où il fait figure de candidat des modérés, il remporte le 10 janvier 1905 la présidence de la Chambre des députés contre le sortant Henri Brisson. Lors de son élection, il promet de "rendre plus fécond le travail législatif". Particulièrement apprécié pour son ardeur au travail et malgré une austérité quelque peu ostentatoire, sa courte présidence ne lui laisse pas le temps de mettre en oeuvre ses projets, puisqu'à la fin de la législature, le 31 mai 1906, il cède sa place au "perchoir" à Henri Brisson.

Il perd son siège de député en 1910, mais revient au Parlement en 1912 comme sénateur de Corse. Dès avant, puis pendant la Première Guerre mondiale, il fait partie de la Commission de l'Armée du Sénat. En août 1914, il se met à la disposition du général Gallieni en ces termes: "Je sais commander; je saurai donc obéir". Gallieni le charge d'assurer la liaison avec le gouvernement replié à Bordeaux. Nommé ministre d'Etat du premier cabinet Painlevé, de septembre à novembre 1917, il devient à la fin de la guerre rapporteur général du budget, puis par deux fois ministre des Finances dans les septième et huitième cabinets Briand. Dans les années 1920, il participe au Cartel des gauches, au sein duquel il représente le secrétaire général du Parti radical.

Il préside le Sénat de janvier 1927 jusqu'en juin 1931, date à laquelle il est investi de ses fonctions présidentielles.

Président de la République

Sa carrière culmine avec son élection à la présidence de la République le 13 mai 1931. Il s'agit d'une belle revanche politique et personnelle pour le président du Sénat, qui fut vingt-cinq ans plus tôt le démocrate Armand Fallières, lors de l'élection présidentielle de janvier 1906.

En compagnie de son épouse, l'élégante Blanche, le nouveau président de la République prend ses appartements au palais de l'Elysée. Le couple présidentiel y réside, en compagnie de sa plus jeune fille, Germaine, et de son gendre.

Le nouveau chef de l'Etat, dès lors, souhaite offrir à la fonction présidentielle, un prestige moral et un rôle moins politique. On voit ainsi le président Doumer inaugurer des expositions et prononcer des discours à l'occasion de fêtes populaires. C'est à cette époque que l'expression "inaugurer les chrysanthèmes", traduisant le fait qu'un personnage public n'a guère de pouvoirs étendus sinon d'inaugurer quelques expositions et de prononcer quelques discours, fait son apparition.

En inaugurant une exposition sur l'aviation, en Seine-et-Oise, le 2 avril 1932, le président Doumer, s'étonnant de l'impressionnant dispositif de sécurité mis à sa disposition, confie, amusé, à Léon Noël, directeur de la Sûreté générale et secrétaire général du ministère de l'Intérieur, cette petite phrase: "A mon âge, après tout, ce serait une belle fin que de mourir assassiné".

L'assassinat

Le 6 mai 1932, le président Doumer se rend à l'hôtel Salomon de Rothschild, afin d'inaugurer une grande exposition consacrée aux écrivains de la Grande Guerre. Le chef de l'Etat salue courtoisement les écrivains présents et achète quelques livres, dans le but de les offrir à son épouse. Alors qu'il converse avec l'écrivain Claude Farrère, plusieurs coups de feu retentissent. Le président est atteint par deux balles, à la base du crâne et l'aisselle droite. Il s'écrie "Tout de même!", pour s'effondre au beau milieu de l'assistance, médusée. Le tireur Paul Gorgulov a fait feu avec un pistolet Browning M1910 (aujourd'hui conservé au musée de la Préfecture de Police). Il est déstabilisé par Farrère qui, après avoir tenté de sauver dans le décor. L'agresseur de Doumer est immédiatement maîtrisé par les inspecteurs de la Sûreté, puis arrêté.

Le chef de l'Etat est immédiatement transporté à l'hôpital Beaujon, qui était alors situé à quelques pas du lieu de l'agression, au n°208 rue du Faubourg-Saint-Honoré. Mal soigné, victime d'une hémorragie sévère due à la section de l'artère axillaire,Paul Doumer décéda le lendemain, à 4 heures 37 du matin.

Après avoir appris le décès de son époux, Blanche Doumer, à laquelle les autorités avaient proposé d'inhumer le président défunt au Panthéon, déclare: "Je vous l'ai laissé toute sa vie. Alors maintenant, s'il vous plaît, laissez-le-moi". Des funérailles nationales sont organisées en hommage au défunt président, à Notre-Dame de Paris, ainsi qu'au Panthéon. Doumer est inhumé, dans l'intimité, dans le caveau familial du cimetière de Vaugirard.

Paul Gorgulov est condamné à mort, puis guillotiné le 14 septembre.

Le prestige des fils Doumer

Le prestige retiré du sacrifice patriotique de ses quatre fils décédés pour la France du fait de la Grande Guerre fut un atout essentiel dans l'élévation de Paul Doumer à la présidence de la République. Ils lui avaient inspiré auparavant un ouvrage de morale pour les enfants, intitulé Le Livre de mes fils, publié pour la première fois en 1906.

Franc-maçonnerie

Paul Doumer a été franc-maçon mais a pris ses distances avec la franc-maçonnerie à la suite de l'affaire des fiches, jugeant le cabinet Combes excessivement sectaire. Il quitte le GODF d'abord provisoirement, en 1906, pour marquer sa désapprobation du jeu auquel s'est alors livré l'obédience, puis définitivement, en 1906, à la suite de sa défaite lors de l'élection à la présidence de la République face à Armand Fallières, les membres de l'obédience lui ayant reproché son opposition à Combes. Doumer n'est ainsi plus franc-maçon depuis des années lorsqu'il devient chef de l'Etat, en 1931.

Carrière politique

Mandats électifs

.1888-1891: député de l'Aisne (circonscription de Laon, parti radical).
.1891-1895: député de l'Yonne (circonscription d'Auxerre)
.1902-1910: député de l'Aisne (circonscription de Laon).

Fonctions exécutives

.1895-1896: ministre des Finances
.1921-1922: ministre des Finances du gouvernement Briand VII
.1925-1926: ministre des Finances
1927-1931: président du Sénat 
1931-1932: président de la République
  

Gaston Doumergue

Portrait présidentiel de Gaston Doumergue.Portait présidentiel de Gaston Doumergue


Gaston Doumergue, né le 1er août 1863 à Aigues-Vives (dans le Gard en France) et décédé le 18 juin 1937 dans cette même commune, est un homme d'Etat français, président de la République française de 1924 à 1931 sous la IIIe République.

Chargé d'importants portefeuilles ministériels, il est, une première fois, nommé président du Conseil en 1913, mais est contraint de laisser le pouvoir quelques mois après sa nomination. Elu président du Sénat, il est élu, l'an suivant, président de la République française, pour un mandat de 7 ans, il succède à Alexandre Millerand, démissionnaire. A l'issue de son mandat, refusant de concourir à sa succession, Doumergue se retire, avant de diriger un gouvernement d'union nationale, dans un contexte politique difficile pour la France, à la suite de la crise du 6 février 1934.

Biographie

Origines protestantes

Gaston Doumergue est issu d'une famille protestante de la petite bourgeoisie languedocienne. Son père, Pierre Doumergue, est propriétaire vigneron à Aigues-Vives. Sa mère, Françoise Pattus, femme de bon sens, l'élève dans la foi protestante et l'admiration des idées républicaines.

Elève brillant, il affirme avoir appartenu à la "génération de la revanche, animée d'une belle ardeur patriotique", après la défaite de 1870.

Après une licence et un doctorat de droit à Paris, il s'inscrit en 1885 au barreau de Nîmes et participe au procès retentissant du député Numa Gilly, avant d'entrer en 1890 dans la magistrature comme substitut à Hanoï, en Indochine. Son séjour est bref car il revient en métropole au décès de son père en 1891.

Début en politique

En 1893, alors qu'il est juge de paix à Alger, il revient en France, à Aigues-Vives, et présente sa candidature à une élection législative partielle, en décembre 1893, destinée à pourvoir le siège d'Emile Jamais, ami de longue date, tout juste réélu lors des élections d'août 1893 mais son décès subitement le 18 novembre, avant l'ouverture de la session parlementaire. Rien ne le destine à la politique et son grand-père avait même refusé en 1836 sa nomination comme maire du village en raison de la modestie de sa fortune dans un régime censitaire. Mais encouragé par sa mère qui suivra pas à pas sa carrière, Doumergue est élu député radical de Nîmes, battant au second tour, avec 10 101 voix, le maire de Nîmes, Gaston Maruejol, qui n'obtient que 24 suffrages.

Il assiste au banquet donné à Lyon par le président Sadi Carnot le 24 juin 1894 lors duquel ce dernier est mortellement poignardé par l'anarchiste italien Caserio. Cet événement lui fait prendre conscience du sérieux et du danger de l'exercice du pouvoir.

Il est réélu député le 8 mai 1898, au premier tour du scrutin, par 11 514 voix contre le conservateur Albert de Nesmes-Desmarets. Il est très impliqué dans la politique coloniale de la France et, lors de ses interventions à la tribune, bien accueillies sur les bancs de gauche, reproche aux gouvernements successifs leur interventionnisme militaire et en particulier l'occupation de Madagascar. Dès 1894, il dénonce d'ailleurs la "bienveillante indifférence et non la sympathie prononcée" de l'opinion publique vis-à-vis de la politique coloniale,qui masque les pillages des territoires conquis et la violence de l'administration.

Ses convictions laïques et républicaines lui font prendre parti pour Dreyfus. Ses mandats successifs sont aussi l'occasion pour lui de défendre les petits producteurs agricoles. Son influence au sein de la gauche grandit. Il est, pour la troisième fois, élu député le 27 avril 1902, dès le premier tour.

Franc-maçon depuis 1901, il a été initié au sein de la loge L'écho du Grand Orient à l'Orient de Nîmes, Grand-Orient de France où il n'a pas fait preuve d'une assiduité particulière.

Au sein du gouvernement (1902-1910)

Sous la présidence d'Emile Loubet, il est ministre des Colonies, dans le gouvernement Emile Combes, de 1902 à 1905.

Il est ministre sans interruption de 1906 à 1910, d'abord au Commerce et à l'Industrie, où il créé la direction de la marine marchande, puis à l'Instruction publique et aux Beaux-Arts, à partir de 1908, en remplacement d'Aristide Briand. A ce titre, il prononce le 4 juin 1908 un discours, au nom du gouvernement, lors du transfert des cendres d'Emile Zola au Panthéon, louant l'"héroïsme" de l'écrivain, de même qu'il a, le 19 mars précédent, défendu l'organisation de la cérémonie de translation à la tribune de l'Assemblée, contre les anti-dreyfusards. Il est un fervent défenseur de l'école laïque et plaide en faveur de l'enseignement de l'arabe en Algérie.

Il devient par ailleurs vice-président de l'Assemblée nationale durant une année, de février 1905 à mars 1906, entre ses deux ministères. En 1910, il est élu sénateur du Gard, après le décès de Frédéric Desmons. Il est réélu en 1912 et en 1921.

Président du Conseil (1913-1914)

Du 9 décembre 1913 au 8 juin 1914, il est président du Conseil et ministre des Affaires étrangères à la demande du président Poincaré, qui cherche en Doumergue un conciliateur capable de former un cabinet "d'entente républicaine". Dès lors, il s'attache à concilier les revendications du parti radical et l'intérêt du pays, dans un horizon international qui s'obscurcit: l'homme d'Etat prend le pas sur l'homme de parti. Le radicalisme ayant officiellement répudié, depuis 1907, l'anticléricalisme et l'antimilitarisme, Gaston Doumergue doit défendre la loi du service militaire de trois ans, qu'il a votée, non sans scrupule, en août 1913: "Nul d'entre vous n'attend que nous rouvririons le débat: c'est la loi". La proposition de création d'un impôt sur le revenu par son ministre des finances Joseph Caillaux déclenche une polémique au sein des conservateurs, mais est finalement votée en juillet 1914 par un Sénat qui y était hostile depuis cinq ans. L'"affaire Calmette" qui aboutit à la démission du ministre met en difficulté le gouvernement alors que se termine la Xe législature et que s'amorce une campagne électorale délicate. Doumergue avait cependant prévenu qu'il ne "resterait en aucun cas après les élections".

L'heure est à la politique de réarmement et de resserrement des alliances, que mènent à bien Poincaré et Doumergue".Mais il ne perd pas pour autant de vue la situation internationale et les chancelleries sont continuellement tenues en alerte.Le parti radical arrive largement en tête des élections législatives du printemps 1914 et cette majorité de gauche, élue sur le thème de la paix, occasionne au Président un grand embarras pour constituer un cabinet pouvant succéder à Doumergue. Ce dernier profite de la fin de ses fonctions pour entreprendre un voyage en Haute-Autriche.

Mais le 3 août 1914, le jour même de la déclaration de guerre de l'Allemagne à la France, marquant le début de la Première Guerre mondiale, le nouveau président du Conseil René Viviani fait appel à lui pour le remplacer au ministère des Affaires étrangères, lors de la composition de son éphémère premier gouvernement. Puis, il est ministre des Colonies dans les gouvernements Viviani II, Briand V et VI). Durant ce mandat, en pleine guerre, il assure la sécurité des possessions françaises et met en place avec le tsar Nicolas II de Russie un traité de paix-qui deviendra cependant caduc à la suite de la Révolution d'Octobre.

En février 1923, il est élu président du Sénat, en remplacement de Léon Bourgeois.

Président de la République (1924-1931)

Photographie d'un groupe de civils et militairesGaston Doumergue posant le premier rivet du sous-marin de classe 1 500 tonnes Redoutable le 17 juillet 1925, à Cherbourg

Sa carrière culmine avec son élection à la présidence de la République, le 13 juin 1924, pour un mandat de sept ans. Cette accession à la tête de l'Etat est le résultat de plusieurs événements politiques successifs. Les 11 et 25 mai qui précédent voient la victoire aux élections législatives du Cartel des gauches, malgré un nombre de voix supérieur pour la droite et grâce à une loi électorale accordant une prime aux alliances. Raymond Poincaré, président du Conseil depuis 1922, désavoué, remet sa démission au président Millerand Les cartellistes réclament le pouvoir dans les "moindres rouages de l'administration". Paul Painlevé est porté à la tête de la Chambre grâce aux voix du Cartel emmené aussi par Blum, Herriot et Briand, contre le candidat des droites, André Maginot. La nomination de François-Marsal est prise comme une provocation et son gouvernement ne tient que deux jours.

Ainsi, la gauche, qui a obligé Alexandre Millerand à démissionner, croit alors pouvoir porter Painlevé à la présidence, mais la droite déjoue ses ambitions en se reportant massivement sur Gastion Doumergue, qui bénéficie déjà d'une partie des voix de gauche. Il obtient 515 voix sur 815 votants, contre 309 à Painlevé et 21 à Camélinat, premier candidat communiste à une élection présidentielle.

Sans surprise, il nomme le maire de Lyon, Edouard Herriot, à la tête du gouvernement et le charge d'établir une politique de changement symbolique pour satisfaire l'électorat.L'Etat cartelliste est installé, les présidences des commissions parlementaires étant majoritairement tenues par ses membres, de même que les grands postes dès l'administration. Mais le scandale des irrégularités de la Banque de France renverse le gouvernement et Doumergue se résout à nommer Paul Painlevé à la présidence du Conseil afin de souder les voix radicales et socialistes, jouant habilement des désignations selon le balancier parlementaire.

Le septennat de Doumergue est marqué par la prospérité de la France d'entre-deux-guerres et les années folles, mais aussi par une forte instabilité ministérielle et des difficultés financières engendrées par la chute du franc. Appelé aux Finances en juillet 1926, Poincaré instaure une politique d'austérité en ramenant le franc à sa valeur réelle par une forte dévaluation, ramène la confiance et parvient à doper une économie en berne. Cette politique néo-libérale engendre aussi une période de prospérité économique et financière, à l'heure où les Etats-Unis sont touchés de plein fouet par l'effondrement boursier de 1929. Les progrès de l'industrie technique, en particulier dans la sidérurgie et l'automobile, participent à la croissance du pays. La capacité de production augmente ainsi de 45% sur la décennie 1920. Pour accompagner ce développement, Doumergue renforce une politique centriste et institue les assurances sociales ouvrières.

En politique extérieure, il se déclare partisan d'une politique de fermeté vis-à-vis de l'Allemagne face au nationalisme renaissent dans une partie de l'Europe, mais aussi en France.Mais il se heurte à des difficultés: les Alliés ne parviennent pas à s'entendre sur l'Allemagne. Forcée d'évacuer la Ruhr, la Sarre et la Rhénanie entre 1925 et 1930, la France de Doumergue est aussi dupée par le chancelier allemand Stresemann malgré la signature du pacte de sécurité collective de Locarno. Les désaccords avec son ministre des Affaires étrangères, Aristide Briand, ne font qu'aggraver les crises coloniales en Syrie et au Rif. Après l'échec des tentatives de concertation du préfet en place au Maroc. Doumergue décide d'envoyer le maréchal Pétain, qui remporte rapidement la guerre du Rif. Au même moment, il participe à l'inauguration de la Mosquée de Paris, avec le sultan marocain Moulay Youssef, en visite officielle en France. En Indochine, les nationalistes vietnamiens du VNQDD entretiennent dans les années 1920 une agitation indépendantiste.

En mai 1930, il célèbre en Algérie, sur les terres qu'il a connu dans les premières années de sa carrière, le centenaire de la présence française, accompagné d'une délégation de huit ministres et de plusieurs dizaines de députés. L'année suivante, à quelques semaines de la fin de son mandat, il commémore en Tunisie le cinquantenaire du protectorat français.

Au sein d'un monde politique aussi instable, Doumergue s'évertue à soutenir la gestion des affaires publiques dans des valeurs de gauche et une ligne directrice conservatrice. Homme affable et courtois, il séduit depuis le début de sa carrière politique par sa bonhomie et son accent. Après son élection à la présidence de la République, sa simplicité continue de lui valoir dans l'opinion publique une popularité qui se traduit notamment par le surnom familier de "Gastounet".

L'accession de Gaston Doumergue à la présidence de la République fait de lui le seul chef de l'Etat protestant qu'ait connu la France depuis l'abjuration d'Henri IV, le 25 juillet 1593. Il est aussi, après Louis-Napoléon Bonaparte, le deuxième président de la République française célibataire au moment de son entrée en fonction. Bien que "vieux garçon", il n'en est pas moins, selon Adrien Dansette, "sensible au charme féminin" mais ses fréquentes liaisons passagères ne sont que les "moeurs parisiennes d'hommes politiques". Il entretient une liaison de longue durée présidentiel, il va tous les matins prendre son petit déjeuner avec elle à son ancien domicile du 73 bis avenue de Wagram, où il se rend à pied depuis l'Elysée. Le 1er juin 1931, douze jours avant son ultime Conseil des ministres et la fin de son mandat, il épouse sa maîtresse devant le maire du 8e arrondissement, Gaston Drucker, venu spécialement à l'Elysée, et devient ainsi le premier président de la République à se marier au cours de son mandat.

Son mandat présidentiel s'achève le 13 juin 1931 et il se retire de la vie politique dans le demeure de son épouse à Tournefeuille, dans la Haute-Garonne.

Président du Conseil (1934)

Toujours populaire, il est rappelé comme président du Conseil, après les événements sanglants du 6 février 1934, pour former un gouvernement d'union nationale où se côtoient André Tardieu et Edouard Herriot.

Le but était de réformer les institutions pour diminuer l'instabilité ministérielle. Cette tentative ne réussit pas: en mauvaise santé, il lui est difficile d'arbitrer à l'intérieur d'un de ces cabinets dans lesquels on met généralement les plus grands espoirs parce qu'ils symbolisent l'unité de la nation, mais qui sont en réalité composés de ministres venus de tous les bords de l'échiquier politique et qui ne s'entendent pas. Il y a cependant un redressement des finances publiques, qui permet au cours des emprunts d'Etat de gagner dix à douze points entre mars et juin. Il est est par ailleurs affaibli par l'assassinat de Louis Barthou, le 9 octobre, et préfère démissionner peu après, le 8 novembre.

René Viviani disait de lui: "Dans une démocratie bien organisée Doumergue serait juge de paix en province".

Décès

Il décède subitement le 18 juin 1937, dans sa maison d'Aigues-Vives. L'hommage de la nation, rassemblant une importante foule, a lieu à Nîmes, place des Arènes, "une écharpe tricolore ceinture le monument romain, au centre sur un immense écusson noir, une longue palme de branches d'olivier y est fixée".Sa tombe se situe dans le petit cimetière d'Aigues-Vives, où son épouse Jeanne (née Gaussal) l'a rejoint en 1963.

Fonctions

Gaston Doumergue a été président de l'Union française pour le sauvetage de l'enfance de 1932 à 1937.

Fonctions exécutives

.7 juin 1902-18 janvier 1905: ministre des Colonies;
.14 mars 1906-24 juillet 1909: ministre du Commerce et de l'Industrie,
.4 janvier 1910-3 novembre 1910: ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts;
.9 décembre 1913-9 juin 1914: président du Conseil et ministre des Affaires étrangères;
.26 août 1914-20 mars 1917: ministre des Colonies;
.22 février 1923-13 juin 1924: président du Sénat,
.13 juin 1924-13 juin 1931: président de la République;
.9 février 1934-8 novembre 1934: président du Conseil.

Mandat:

.1893-1906: député radical de la 2e circonscription du Gard (Nîmes);
.1910-1924: sénateur du Gard

Alexandre Millerand

Alexandre Millerand, en 1914.Alexandre Millerand, en 1914


Alexandre Millerand, né à Paris le 10 février 1859 et mort à Versailles le 7 avril 1943, est un homme d'Etat français, président de la République de 1920 à 1924, d'abord de tendance socialiste puis qui évolue à droite au fur et à mesure de son parcours ministériel. Il est surtout connu pour avoir été le premier socialiste (quoique indépendant) à entrer dans un gouvernement français.


Ses débuts

Né à Paris le 10 février 1859, Alexandre Millerand est le fils de Jean François Millerand (03/12/1826 à Gentilly-1897 à Paris), négociant en drap installé dans le quartier du Sentier, originaire de la Haute-Saône(de Roche-sur-Vanon, aujourd'hui Roche-et-Raucourt), et de Mélanie Caen(née 1835).

Licencié en droit, il s'inscrit au barreau de Paris en 1881 et devient un avocat d'affaires important. Il entame parallèlement une carrière de journaliste-il collabore notamment au journal de Georges Clemenceau, La Justice-et une carrière d'homme politique. Il devient franc-maçon le 21 mai 1883 en adhérant à la loge L'Amitié du Grand Orient de France.

Il épouse le 26 octobre 1898 à la mairie du 9e arrondissement de Paris, Jeanne Levayer, fille d'un marchand de bois de la Sarthe. Ils auront quatre enfants:

.Jean(1899-1972), industriel, marié à Andrée Lebert, fille d'Albert Lebert (1877-1957), banquier, directeur général de la Société de construction des Batignolles, commandeur de la Légion d'honneur;
.Alice (1902-1980), resta célibataire,
.Jacques (1904-1979), avocat, puis magistrat, marié à Miquette Lazard, fille de Christian Lazard, associé de la banque Lazard, et petit-fils d'Ernest May;
.Marthe (1909-1975), mariée à Jean-Paul Alfassa, docteur en droit, petit-fils d'Eugène d'Eichthal.

Socialiste

Elu député de la Seine en 1885, il siège à l'extrême gauche. Il est réélu sans interruption jusqu'en 1919. Il fait signer les décrets Millerand" qui réglementent et réduisent le temps de travail tout en garantissant un temps de repos hebdomadaire. Il préconise en 1892 la nationalisation de toutes les mines. 

Son entrée au gouvernement de Défense Républicaine de Pierre Waldeck-Rousseau en 1899, en pleine affaire Dreyfus, aux côtés du général de Galiffet, suscite la désapprobation de très nombreuses socialistes, dont Jules Guesde Rosa Luxemburg.Jaurès, ainsi que le radical-socialiste Clemenceau, le soutiennent toutefois.

Droite

Il devient "patriote" à partir de 1914, et crée la Fédération des gauches puis la Ligue républicaine nationale. Sa carrière politique culmine en 1920, d'abord avec sa nomination comme président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, puis par son élection à la présidence de la République le 23 septembre, après la démission de Paul Deschanel dont il assura d'abord l'intérim à la tête du Gouvernement (du 21 au 23 septembre 1920).

Président de la République

Alexandre Millerand, qui était le président du Conseil de Paul Deschanel, lui succède le 23 septembre 1920 en obtenant de l'Assemblée nationale (le Sénat et la Chambre des députés réunis) 695 suffrages sur 892 voix.

Il connaît des relations difficiles avec les présidents du Conseil en raison de son intention d'appliquer la Constitution à la lettre et qui de fait donne une importance réelle au chef de l'Etat, il se heurte au refus du président du Conseil, Raymond Poincaré, de soumettre une réforme de la Constitution en 1923. Mais c'est avec le président du Conseil Aristide Briand que les relations sont les plus difficiles car Briand voulait tendre la main à l'Allemagne alors que Millerand était pour une politique de fermeté, au sujet des réparations notamment.

Millerand s'engage dans la politique intérieure notamment dans son discours d'Evreux en 1923, dans lequel il témoigne son attachement à la majorité sortante. Le Cartel des gauches, qui gagne les élections législatives de 1924, le lui reproche et demande sa démission. Dans un premier temps, Millerand refuse car rien ne l'y oblige; par provocation, il charge même un député de droite, ministre des Finances du gouvernement Poincaré, Frédéric-Marsal, de former le nouveau gouvernement. La Chambre des députés lui refuse sa confiance.

La droite nationale propose à Millerand de faire un " coup d'Etat" mais il s'y refuse. Il présente alors sa démission dans une lettre aux deux Chambres en ces termes: "Monsieur le Président [du Sénat], j'ai l'honneur de vous présenter ma démission de Président de la République".

Georges Clemenceau en a brossé ce portrait: "Il a l'air idiot, mais méchant (...) une tête carrée, fermée à tout, des yeux de myope, et pourtant il a des lueurs de bon sens".

Dix mois plus tard, en avril 1925, il est élu sénateur de la Seine, jusqu'en janvier 1927, où il est battu par Pierre Laval, puis suite au décès de Leneveu, sénateur de l'Orne avec 536 voix sur 845 exprimés, dès le 1er tour, en octobre 1927. Il le reste jusqu'à son décès. Le 10 juillet 1940, âgé et affaibli, il ne prend pas part au vote entraînant l'investiture du maréchal Pétain a la présidence du Conseil.

Il décède à son domicile, rue Mansart à Versailles, le 7 avril 1943.

Synthèse des fonctions politiques

Mandats parlementaires

.1885-1919: député de la Seine
.1925-1927: sénateur de la Seine
.1927-1943:sénateur de l'Orne

Fonctions ministérielles

.Ministre du Commerce, de l'Industrie et des Postes et Télégraphes dans le gouvernement Pierre Waldeck-Rousseau du 22 juin 1899 au 7 juin 1902
.Ministre des Travaux publics et des Postes et Télégraphes dans le gouvernement Aristide Briand du 24 juillet 1909 au 3 novembre 1910
.Ministre de la Guerre dans le Gouvernement Raymond Poincaré du 14 janvier 1912 au 12 janvier 1913.
.Ministre de la Guerre dans le gouvernement René Viviani du 26 août 1914 au 29 octobre 1915.
.Président du Conseil , gouvernement Alexandre Millerand du 20 janvier 1920 au 18 février 1920
.Président du Conseil, gouvernement Alexandre Millerand du 18 février 1920 au 24 septembre 1920

Paul Deschanel

Paul Deschanel.Paul Deschanel


Paul Deschanel, né le 13 février 1855 à Shaerbeek (Bruxelles) et décédé le 28 avril 1922 à Paris, est un homme d'Etat français.

Député d'Eure-et-Loir de 1885 à 1920, il exerce la fonction de président de la Chambre des députés de 1898 à 1902 et de 1912 à 1920. Il devient président de la République le 17 janvier 1920, mais doit démissionner quelques mois plus tard pour des raisons de santé. L'année suivante, il est élu sénateur et le reste jusqu'à son décès.

Paul Deschanel est également un homme de lettres, auteur de plusieurs ouvrages sur les questions sociales. Son prestige et son talent littéraire lui valent d'être élu à l'Académie française en 1899.

Biographie

Jeunesse

Le coup d'Etat du 2 décembre 1851 condamné les républicains, dont fait partie son père, Emile Deschanel, à l'exil de Belgique. Paul Deschanel devient dès sa naissance un symbole, la preuve que les idéaux républicains survivent à l'exil. Il a pour parrain spirituel Victor Hugo qui le présente comme le "premier-né de l'exil". Edgar Quinet s'exclame: "Puisse-t-il voir bientôt la terre promise! Nous le saluons comme l'espérance". Il est vénéré par son père qui croit entendre des références à la culture grecque ou latine dans les babillements de son enfant.

"On compte le temps d'une autre manière qu'auparavant. Toutes ces heures et toutes ces années, vous ne croyez plus qu'elles vous font vieillir, vous croyez qu'elles le font grandir. D'ailleurs, vous ne vieillissez plus, au contraire, vous rajeunissez, l'enfant vous ôte les années qu'il vous prend".

En 1859, à la suite de l'amnistie promulguée par Napoléon III, la famille Deschanel revient à Paris et loge au 34 rue de Penthière. Il étudie au lycée Bonaparte. Ses professeurs considèrent Paul comme "intelligent mais bavard, agité et dissipé". L'enfant voue un véritable culte à ses parents malgré la sévérité et l'exigence de son père. Ce dernier déchire et renvoie les lettres de son fils dès qu'elles contiennent des fautes d'orthographe. C'est en 4e que Paul Deschanel change d'attitude: son parcours scolaire devient brillant, comme s'il avait accepté les leçons et l'extrême rigueur de son père. Le 10 août 1871, il obtient son baccalauréat de lettres puis très rapidement sa licence (le 4 novembre de la même année). Sa formation est donc au départ littéraire. Il rédige en 1872 une comédie, un article sur Rabelais paru dans la revue Bleu, un autre sur Diderot et Edgar Quinet dans Le Journal des Débats.Concernant Rabelais, il écrit 

"Rabelais, c'est le burlesque et le philosophique, un mélange d'obscénités dignes d'Aristophane et de beautés que Platon n'eut point reniées, qui tantôt s'élève au sommet de la morale la plus haute et tantôt s'abaisse aux bouffonneries les plus grossières. Rabelais met toujours la vérité en face de son erreur[....]. Il est l'hygiène de la bonne humeur.

Vie familiale

En 1901, il épouse Germaine Brice de Vièle, qui lui donne trois enfants: Renée-Antoinette (1902-1977), Jean (1904-1963, homme politique) et Louis-Paul (1909-1939, décédé pour la France au premier jour de l'invasion allemande).

Débuts en politique

Paul Deschanel


Sa carrière politique commence alors que les républicains décident de nommer dans tout le pays de nouveaux fonctionnaires pour limiter le risque de crise politique. En 1877, le ministre de l'Intérieur, Emile de Marcère, nomme de nouveaux sous-préfets, parmi lesquels Paul Deschanel, qui officie à Dreux, puis à Brest et enfin à Meaux. Il est élu, en 1895, conseiller général d'Eure-et-Loir, puis réélu sans interruption jusqu'en 1919.

En 1881, il subit un échec relatif (45% des voix) aux élections législatives à Dreux. Lors des élections législatives de 1885, il est élu député sans interruption jusqu'en 1919. Jeune député, il se distingue en accusant le radical Clemenceau d'être mouillé par le scandale du Panama, ce qui conduit Clemenceau à le provoquer dans son journal, La Justice, événement qui se termine en duel à l'épée. Deschanel recule à deux reprises plus loin que la ligne autorisée, et se fait toucher.

Elu président de la Chambre des députés en 1898, il est battu quatre ans plus tard, en 1902, par Léon Bourgeois. Il retrouve cette fonction de président de la Chambre en 1912, et la conserve jusqu'à son élection à la présidence de la République, en 1920.

Ses premiers pas se font sous l'influence majeure de son père. Sa nomination en tant que sous-préfet est directement liée à l'action politique passée de son père. On constate également qu'il prolonge les idées de ce dernier et que son idéologie est fortement empreinte des convictions paternelles. On retrouve dans le programme de son père toutes les racines de sa carrière politique à venir: amnistie pleine et entière, liberté d'association, de conscience, séparation de l'Eglise et de l'Etat, instruction gratuite, laïque et obligatoire, réforme des impôts pour favoriser les libres associations des travailleurs, leur légitime accès au capital et à la propriété. Symbole de cette influence, au jour de son élection en tant que président de la République, Paul Deschanel fait déposer par son fils une palme devant le buste de son père au Collège de France. Il a aussi hérité de son père, victime de l'Empire, la conviction du danger pour un pays de tout régime qui n'est pas démocratique.

Paul Deschanel publie plusieurs ouvrages sur la politique extérieure de la France,où il préconise des solutions aux conflits coloniaux du temps: La Question du Tonkin en 1883, La Politique française en Océanie à propos du canal de Panama en 1884 et Les Intérêts français dans l'Océan Pacifique en 1888. Il est l'initiateur du lobby océanien au sein du "parti colonial".

Président de la République

Election

 Photographie du président Deschanel


Ayant depuis longtemps manifesté l'intention d'accéder à la magistrature suprême, Paul Deschanel remporte le vote préparatoire, à l'Assemblée nationale, de l'élection présidentielle de 1920, avec l'appui de la SFIO et de la droite catholique, battant le président du Conseil, Georges Clemenceau, qui se retire aussitôt. Le lendemain,le 17 janvier, Paul Deschanel obtient le meilleur score (734 voix) jamais obtenu par un candidat à la présidence sous la IIIe République. Selon Michel Winockk, son succès aurait été favorisé par les intrigues d'Aristide Briand, qui exécrait Clemenceau, tandis que Thierry Billard explique l'échec du "Tigre" par son refus de "faire campagne pour se laisser porter à l'Elysée", ce qui constituait une "erreur de tactique". Le jour de son élection, il semblait que le président élu ait interpellé Clemenceau (qui l'a quelques années auparavant battu en duel), en ces termes: "Vous avez gagné la guerre, nous gagnerons la paix".

L'incident du train

Dès le mois d'avril 1920, Paul Deschanel présente des signes qui inquiètent son entourage, mais sur lesquels la presse reste discrète.A Nice, lors d'un banquet, il déclame avec une attitude théâtrale le couplet de rigueur sur la ville qui l'accueille, applaudi, il le bisse. Quelques jours plus tard,à Menton, la foule lui lance des fleurs, il les ramasse dans la boue et les renvoie, accompagnées de baisers. 

Au cours d'un voyage en train à destination de Montbrisson, le 23 mai 1920, vers 23h15, s'étant penché par la fenêtre de son compartiment alors qu'il éprouve une sensation d'étouffement, Paul Deschanel chute accidentellement de la voiture. Le convoi circule alors à relativement faible allure (50km) dans une zone de travaux à Mignerette (dans le Loiret, à une douzaine de kilomètres au nord-ouest de Montargis).

Ensanglanté-en dépit du caractère bénin de ses blessures-et vêtu de son seul pyjama, Paul Deschanel rencontre André Radeau, ouvrier cheminot qui surveille la zone de travaux,auquel il se présente comme étant le président de la République. L'image des hommes publics étant à l'époque encore peu diffusée dans la population, le cheminot se montre sceptique, mais le conduit néanmoins jusqu'à une maison de garde-barrière toute proche, où le blessé est soigné et mis au lit. Le garde-barrière, Gustave Dariot, impressionné par la dignité du blessé et la cohérence de ses explications, part pendant ce temps prévenir la gendarmerie de Corbeilles. La femme du garde-barrière aurait dit à des journalistes:"J'avais bien vu que c'était un monsieur: il avait les pieds propres".

La lenteur des communications entre les divers échelons fait que, malgré les faibles distances, le sous-préfet de Montargis, M.Lesueur, n'est prévenu par télégramme que vers 5 heures du matin. L'incident commence à avoir un retentissement certain lorsque l'on s'aperçoit, avant l'arrivée du train en gare de Roanne, vers 7 heures du matin, que le président a disparu. La suite présidentielle (menée par Théodore Steeg, alors ministre de l'Intérieur) attendant sur le quai de la gare ne reste pas longtemps sans nouvelles. Une dépêche, envoyée par la gare de Montargis à celle de Saint-Germain-des-Fossés, dont le contenu explique succinctement le déroulement des événements survenus dans la nuit, est rapidement transmise.

La chute du train semble être due à une forme de somnambulisme, causée par plusieurs facteurs (hypnotique, chaleur du compartiment), mais aussi au mode d'ouverture particulier des fenêtres à guillotine qui permit le basculement du Président lorsqu'il souhaita respirer de l'air frais. La survenue du "syndrome d'Elpénor", provoquée par la prise de calmants pour dormir, pourrait ainsi avoir créé un état de semi-conscience maladive lors du réveil incomplet. Paul Deschanel serait en fait victime, non pas de surmenage, mais de dépression, prenant conscience qu'en tant que chef de l'Etat sous la IIIe République, il n'a en réalité que bien peu de pouvoirs, chacune de ses déceptions renforçant l'avertissement que Raymond Poincaré lui avait adressé. Les pouvoirs étaient en effet concentrés dans les mains du président du Conseil. Il était également sujet à des crises d'angoisse, liées notamment aux contraintes de sa présidence.

En effet, "Sa conception de la politique est oratoire[...] il tient ses discours pour des actes puisque le verbe guide l'action". Il exposait sa conception de la présidence en ces termes: "Le président choisit les ministres et les préside. Il peut les prendre dans les Chambres ou hors des Chambres. Il participe à la confection des lois. Il a le droit de message et le droit de véto, un vélo suspensif, moins fort que celui du président américain qui en fait avec tant de succès un usage si fréquent....", ce qui correspond bien aux lois des 25 février et 16 juillet 1875; mais il ajoutait encore"C'est donc une hérésie constitutionnelle de considérer le président de la République comme un rouage inerte".  Or, "dès le premier Conseil des ministres il est déçu, sa parole étant accueillie avec indifférence, avec avis sont tout simplement ignorés". La dépossession du pouvoir est finalement le corollaire de l'idéal que venait d'atteindre Paul Deschanel; les psychiatres reconnaissent là le complexe de castration, autour duquel il est possible d'évoquer une dépression névrotique.

Suites de l'accident

L'épisode du train donne évidemment lieu dans la presse à de nombreuses caricatures, souvent cruelles, et excite la verve des chansonniers. Mais plusieurs personnes critiquent la manière, démesurée voire mensongère, de présenter l'incident, qui frappe les esprits en raison de la notoriété de sa victime. Un riverain des lieux de l'accident obtiendra, plusieurs décennies plus tard, que soit apposée une stèle commémorative de l'incident, très sobre et sans aucun élément de caricature, à proximité du passage à niveau et de l'ancienne maison de garde-barrière où avait été conduit Paul Deschanel après sa chute.

En revanche, d'autre prétendus incidents, comme-une baignade avec les canards dans les bassins du parc de l'Elysée, l'apposition par le président de signatures mentionnant Napoléon ou Vercingétorix, ou encore la signature de sa lettre de démission par sa femme-ne sont attestés par aucune source sérieuse et seraient plutôt le fruit de médisances d'adversaires politiques.En particulier, les signatures officielles se faisaient toujours devant témoin et il n'existe aucune trace administrative de signatures fantaisistes.

Démission

Si Deschanel retarde sa démission, ce n'est que sous la pression de son entourage.Il quitte finalement l'Elysée le 21 septembre 1920, après avoir renouvelé son offre de démission, présentée une première fois après l'incident du train et sur laquelle Alexandre Millerand, président du Conseil, l'avait convaincu de revenir. Le message envoyé à l'Assemblée nationale, dans lequel il estime que son "état de santé ne lui permet plus d'assumer les hautes fonctions" dont il était investi et le discours prononcé à cette occasion témoignent de sa lucidité.

Retour en politique et décès

Après avoir remis sa démission à Alexandre Millerand, il part se reposer au sanatorium de Rueil. Son état s'améliore rapidement et il quitte Rueil trois mois plus tard. Il siège de nouveau à l'Académie des sciences morales et politiques et envisage un retour à la vie publique.

Le 9 janvier 1921, il est élu sénateur d'Eure-et-Loir dès le premier tour de scrutin, par 50,35% des suffrages (360 voix sur 715 votants). Il devient, en janvier 1922, président de la commission des affaires étrangères du Sénat, lorsque Raymond Poincaré, qui occupait le poste depuis son propre départ de la présidence de la République, est nommé président du Conseil.

Il prépare alors un discours, jugé "explosif"par le journaliste Pierre-Barthélémy Gheusi, sur les questions internationales et institutionnelles; il y dénonce notamment la position française, l'attitude de l'Angleterre et, sur le plan intérieur, la prédominance du chef du gouvernement dans la vie publique française. Sur proposition du président du Sénat, son intervention est repoussée de plusieurs semaines. Mais, opéré d'un abcès pulmonaire et atteint d'une pleurésie, il ne peut prononcer son discours puisqu'il décéda le 28 avril 1922, à l'âge de 67 ans.Ses obsèques se tiennent le 3 mai suivant en église Saint-Honoré-d'Eylau; en présence notamment du président du Conseil, Raymond Poincaré. Il est enterré dans un caveau familial (où repose son père Emile Deschanel, professeur au Collège de France), au cimetière du Montparnasse, dans la 14e division, en bordure de l'avenue du Nord.

Personnalité

Son talent d'orateur

  Caricature de Paul Deschanel en gravure de mode publiée dans Les Hommes du Jour (1908)


Deschanel est un orateur brillant. Avant de se lancer dans une carrière politique, il hésite à s'engage dans une carrière d'écrivain et de comédien (il se passionne notamment pour les films de Buster Keaton). Sully Prudhomme est un de ceux qui regrettent de ne pas voir Deschanel se consacrer uniquement aux belles lettres. Mais il trouve dans la politique une tribune: celle de l'hémicycle. Il puise son inspiration directement dans celle des maîtres de la Tribune d'Athènes et de Rome. Il est fasciné par Pierre-Antoine Berryer, qui se distingue dans ses discours par une absence presque complète d'ironie: respect de ses adversaires, tolérance de l'esprit, loyauté de sa nature. Selon Deschanel, "l'école de l'éloquence moderne doit conserver le caractère émouvant des anciens orateurs, dépouillé des vernis et fastidieux ornements d'une trop classique rhétorique et mêler la réalité pratique où chaque fait descend".

Ses idées

Extraits de discours prononcés devant la Chambre des députés (1914-1919):

Concernant l'interventionnisme: "La vraie justice exige la liberté de tous, non pas la protection de tous. Mais quand il s'agit de pain, il faut penser à celui qui le consomme: "c'est en économie politique ce que les libres-échangistes appellent une question d'humanité. Le pain contient la nourriture de l'homme, une parcelle de la puissance et de la liberté de la patrie".

Concernant le patriotisme français: "Ce sont les préjugés français, ce sont les trop persistantes illusions, notre ignorance de l'étranger, notre inaptitude à entrer dans l'esprit des autres qui nous ont perdus. Sans doute, la vérité est parfois dues à entendre, encore plus dure à écrire, mais si elle blesse nos sentiments, elle accroît notre expérience et par là, elle sert nos intérêts, si un certain patriotisme peut en souffrir, un patriotisme plus haut sera le gage d'un profit pour la France".

Concernant le travail: "Le travail ranimera le sens moral que l'Empire avait presque anéanti".

Concernant la Révolution: "La France est une démocratie dans son âme, et une monarchie dans son corps. La Révolution, c'est la volonté d'échapper à son corps".

Concernant la décentralisation: "L'autonomie communale est la racine de toutes les libertés".

Concernant l'injustice: "La misère n'est pas le malheur. Les déshérités, en soufflant dans leur corps, fourbissent leurs esprits. L'injustice provoque le duel: voyons d'elle ou moi, lequel sera vainqueur".

Concernant la démocratie: "La Démocratie véritable n'est autre chose que l'ascension continuelle du peuple par l'intelligence, par le travail et par l'honneur".

Concernant les réactionnaires: "Ils sont autocrates en ce sens qu'ils ont le dédain du suffrage universel et de la Démocratie, ils sont mytiques en ce sens qu'ils croient au cataclysme d'où surgira le nouveau monde. Ils tournent le dos à la Liberté, à la Démocratie et à la science. Il ne faut pas être avec ceux qui ont peur, ni avec ceux qui font peur. Il ne faut pas revenir sur les liberté conquises, il faut, au contraire, les éteindre".

Concernant le syndicalisme: "Il faut répondre à cette assertion qu'en dehors du collectivisme, il n'y a pour la République, pour l'esprit humain, pour la science, que faillite, que le parti Républicain n'a pas de programme social et pas de but défini vers lequel il puisse coordonner ses efforts.C'est à cela qu'il faut répondre. Pour cela, il faut faire du syndicat un générateur d'oeuvres et d'institutions nouvelles et multiples, défendant le travail contre l'oppression et lui ouvrant un accès de plus en plus facile et de plus en plus large au capital et à la propriété.

Concernant l'Afrique du Nord: "Peut-être un jour, sous une forme ou sous une autre, nous trouverons les soldats qui nous manquent. C'est de là, peut-être, que dans une heure de péril extrême, pourrait venir le salut".

Concernant l'Angleterre: "Il est temps, si vous me passez le mot, de construire, au moral, un tunnel sous la Manche, afin qu'ils (le peuple français et le peuple britannique) puissent non seulement échanger leurs richesses, mais leurs idées, et mieux sortir leurs mutuelles vertus".

Concernant les Etats-Unis: "Nous saisissons avec empressement, mes collègues et moi, l'occasion que vous nous offrez de remercier. Le peuple américain de ses bienfaits pour nos oeuvres de toutes sortes, pour nos soldats, nos blessés, nos orphelins, nos réfugiés, nos villes dévastées. Nous rendons hommage au magnifique effort financier, militaire et économique des Etats-Unis et à la bravoure de vos soldats, dont le courage et l'esprit de discipline ont conquis l'admiration et l'affection de leurs compagnons d'armes [...]. Leur présence à la Chambre des députés est le siège de la fraternité toujours plus étroite des nations alliées et de leurs armées. L'accord absolu des peuples, des gouvernements, des chefs et des soldats, sans réserve, sans réticence, sans arrière-pensée, voilà la condition première du succès. Une seule armée, une seule action, un seul coeur: voilà notre maxime".

Concernant l'Allemagne: "La vérité est que les goûts pour les blessure, l'amour et l'orgueil des cicatrices sont des phénomènes essentiellement germaniques, aussi anciens que la Germanie elle-même, qu'il n'est point peut-être pas de race au monde, qui, depuis les âges les plus reculés et à travers toutes les vicissitudes de son histoire, soit restée plus identique à elle-même".

Concernant l'Allemagne:"La vérité est que les goûts pour les blessures, l'amour et l'orgueil des cicatrices sont des phénomènes essentiellement germaniques, aussi anciens que la Germanie elle-même, qu'il n'est point peut-être pas de race au monde, qui, depuis les âges les plus reculés et à travers toutes les vicissitudes de son histoire, soit restée plus identique à elle-même.

Concernant la politique: "La politique est une chose indépendante du préjugé, de l'amour et de la haine, c'est au contraire une chose qui s'ajuste aux faits. Il faut savoir considérer tous les événements, peser toutes les chances, équilibrer tous les bénéfices".

Concernant l'Islam et la Turquie: "Si, au XVIe siècle, alors que la foi religieuse était si profonde, nos rois, nos évêques n'hésitaient pas à traiter avec les Turcs, avec eux qu'on appelait alors les infidèles, les païens[....], s'ils n'hésitaient pas à faire ce que Charles Quint appelait "l'alliance impie et monstrueuse du Croissant et des fleurs de lys" et cela afin de créer un contrepoids à la maison d'Autriche, comme Mazarin et Richelieu, tous cardinaux qu'ils étaient, soutenaient les protestants d'Allemagne pour maintenir l'équilibre de l'Europe, serait-il possible que nous, les fils de la Révolution, nous eussions moins de liberté, de largeur d'esprit que nos pères et que nous fussions incapables de nous élever un instant au-dessus des passions qui nous divisent pour sauvegarder les résultats de leur grande et habile politique [....] il faut aider la Turquie à sortir plus robuste de la crise actuelle, plus capable de maintenir l'intégrité de ses possessions et développer sa prospérité économique".

Concernant la politique extérieure:"Nous devons nous dire que le jour où la France ne reconnaîtrait plus comme le premier principe de sa politique extérieure le respect du droit, elle perdrait l'intelligence des conditions de sa grande existence dans le monde et ses raisons de vivre".

Concernant la natalité: "Français, vous n'avez pas eu peur de la mort, auriez-vous peur de la vie? Le sang que vous avez répandu généreusement sur les champs de bataille, n'oserez-vous plus le transmettre aux générations?La France, par-delà les tombes cherche les berceaux: resterez-vous sourd à sa prière? Vous avez accepté de mourir en soldats, refusez-vous de vivre en citoyens?"

Concernant l'enfance: Paul Deschanel a été président de l'Union française pour le sauvetage de l'enfance de 1902 à 1921.

Détail des mandats et fonctions

A la Chambre des députés

.Octobre 1885-Février 1920: député d'Eure-et-Loir puis de l'arrondissement de Nogent-le-Rotrou
            .Janvier 1896-Juin 1898: vice-président de la Chambre des députés
            .Juin 1898-Mai 1902: président de la Chambre des députés
            .Juin 1905-Mai 1912: président de la commission des Affaires extérieures
            .Mai 1912-Février 1920: président de la Chambre des députés

Au Sénat

.Janvier 1921-Avril 1922: sénateur d'Eure-et-Loir
            .Janvier-Avril 1922: président de la commission des Affaires étrangères

Au niveau local

.1895-1919: conseiller général d'Eure-et-Loir

Raymond Poincaré

Portrait officiel du président Poincaré.Portrait officiel du président Poincaré


Raymond Poincaré, né le 20 août 1860 à Bar-le-Duc (Meuse)et décédé le 15 octobre 1934 rue Marbeau, dans le 16e arrondissement de Paris, est un homme d'Etat français. Il est le 10e président de la République française du 18 février 1913 au 18 février 1920.

Ministre à plusieurs reprises, président du Conseil des ministres puis président de la République de 1913 à 1920, Raymond Poincaré fut l'une des plus grandes figures politiques de la IIIe République. Il fut également l'un des personnages centraux de la Première Guerre mondiale, conflit durant lequel il appela "le Tigre", Georges Clemenceau, à la présidence du Conseil, en 1917.

Biographie

Ses origines familiales

Raymond Poincaré est le fils de Nicolas dit Antoni Poincaré (1825-1911), polytechnicien (1845), ingénieur, puis inspecteur général des Ponts et Chaussées.

Par ailleurs, il est l'arrière-petit-fils d'un député ayant exercé ses fonctions sous le règne de Louis-Philippe, il est également le petit-fils du doyen de la faculté de médecine.

Il est enfin le cousin du mathématicien et savant Henri Poincaré.

Les débuts dans la politique

Formé à la politique par Jules Devalle dont il est, pendant dix-huit mois, directeur de cabinet au ministère de l'Agriculture en 1886, élu ensuite conseiller général, du canton de Pierrefitte dans la Meuse, Poincaré se forge une réputation de républicain modéré et conciliant dès son premier mandat de député de la Meuse en 1887. Cela n'empêche pas ce fils de polytechnicien, entré avec réticence sur la scène politique, de s'y imposer rapidement.

Caricature de Poincaré par le Canadien Boardman Robinson (vers 1923)

Après des études à Nancy puis à la faculté de droit de Paris, il entre au barreau de Paris en tant que stagiaire en 1879, il est nommé premier secrétaire de la Conférence du barreau de Paris et devient secrétaire de Mr Henry du Buit, célèbre avocat d'affaires. En 1883, il prononce un discours à l'ouverture de la Conférence des Avocats dans lequel il fait l'éloge du républicain Jules Dufaure, ancien bâtonnier et ex-président du Conseil décédé deux ans auparavant:

"S'il est à souhaiter que l'éloge d'un défunt illustre éveille chez nous le désir de l'imiter, le simple récit de la vie de Dufaure contiendra, je crois, pour notre génération, un précieux exemple de travail, d'indépendance et de dignité".

-Eloge de Dufaure à l'ouverture de la Conférence des Avocats 1883 Barreau de Paris.

En 1895, il ouvre son propre cabinet, qui obtient rapidement un grand succès et détient une clientèle très prestigieuse pour les affaires de presse, les affaires littéraires-il est notamment l'avocat de l'écrivain Jules Verne-et le droit des sociétés. Poincaré a parmi ses clients les plus grandes entreprises industrielles et financières du moment.

La carrière parlementaire

Raymond Poincaré

Il entre en politique en 1887, en se faisant élire député de la Meuse. En 1892, il est rapporteur de la commission des Finances, au moment du scandale de Panama, et est réélu l'année suivante.

A trente-six ans, il a déjà été trois fois ministre: de l'Instruction publique (1893), sous Dupuy, puis des Finances dans le second cabinet Dupuy, après la victoire électorale des modérés (1894-1895), et de nouveau chargé de l'Instruction publique, dans le cabinet Ribot, en 1895. Il est partisan de la laïcité mais éloigné de l'anticléricalisme radical. Il prône en effet une "école neutre", dont la vocation serait de produire de vrais patriotes. Poincaré devient alors l'un des leaders en vue des modérés, qui arborent l'étiquette "progressiste" qui a remplacé l'ancienne appellation d'"opportunisme" utilisée par Gambetta et Jules Ferry. Au fil du temps, ces républicains progressistes" évoluent du centre gauche vers le centre droit, suivant le phénomène du sinistrisme.

Durant l'affaire Dreyfus, il adopte une attitude prudente. Il fait d'abord partie de ceux qui souhaitent étouffer un scandale qu'ils jugent contraire à la raison d'Etat. Il se rallie finalement au camp dreyfusard, plus par légalisme que par conviction.

Bien que républicain et laïque-signe sûr, à la Belle Epoque, d'une appartenance à la gauche-Poincaré demeure cependant prudent envers les gauches, et reste très modéré. En juin 1899, le président de la République Emile Loubet le pressent comme président du Conseil. Mais il n'arrive pas à mettre d'accord les différentes tendances républicaines pour composer un gouvernement, tandis que Clemenceau déclarait:

"Le do de Poincaré n'est pas à dédaigner: c'est l'intelligence. Il pourrait faire remarquablement à côté de quelqu'un qui fournirait le caractère".

Aussi Poincaré conseille-t-il à Loubet d'appeler plutôt Waldeck-Rousseau, qui forme un cabinet de Défense républicaine. Néanmoins, Poincaré s'oppose à celui-ci, et plus encore, après la victoire du Bloc des gauches aux élections de 1902, à la politique anticléricale d'Emile Combes. En tant que membre de l'Alliance libérale démocratique (centre-droit), il soutient cependant, de façon générale, le cabinet combiste.

Plus tard, c'est au Sénat que Poincaré décida de se présenter. Elu sénateur de la Meuse en 1903, il quitte ses fonctions en 1913, date à laquelle il est élu à l'Elysée, puis reprend ses fonctions en 1920 et ce jusqu'en 1934, date de son décès.

En 1906, Clemenceau, qui juge pourtant Poincaré un peu trop mou-c'est lui qui aurait inventé l'expression "poincarisme" dans son hebdomadaire Le Bloc du 15 mars 1902-lui propose néanmoins d'entrer dans son gouvernement Poincaré, peut-être par animosité, s'y refuse.

Belle consécration, il est élu à l'Académie française en 1909, et est également professeur aux écoles HEI-HEP.


Président du Conseil (1912-1913)

En janvier 1912, il est nommé président du Conseil et forme un gouvernement de républicains modérés avec Briand aux Affaires étrangères, Théophile Delcassé à la Marine, Jules Pams à l'Agriculture, Albert Lebrun aux Colonies et Léon Bourgeois au Travail et à la Prévoyance sociale.

Du 6 au 12 août 1912, il est en visite officielle en Russie dans le cadre de l'alliance franco-russe et assiste à des revues militaires.


L'élection présidentielle de janvier 1913


Le Petit Journal annonçant l'élection de Raymond Poincaré


Alors que le mandat présidentiel d'Amand Fallières touche à sa fin, Poincaré se présente comme candidat à l'élection présidentielle de janvier 1913. Le président du Conseil est en lice face au président de la Chambre, Paul Deschanel, et au président du Sénat, Antonin Dubost. Avec Clemenceau, les radicaux soutiennent Jules Pams, le ministre de l'Agriculture, une personnalité considérée comme effacée et dont la candidature vise essentiellement à contrer Poincaré.

Selon la tradition républicaine, un scrutin préparatoire a lieu pour choisir le candidat du "camp républicain", les "modérés" (républicains de droite) d'un côté, de l'autre les socialistes, refusent toutefois d'y participer. Au troisième tour, Pams l'emporte avec 323 voix contre 309 pour Poincaré, classé à gauche à l'époque (dreyfusard, laïc, il s'était marié civilement, puis religieusement en 1912). La discipline républicaine aurait voulu que, battu à ces primaires, il se retire, et c'est ce que lui demande une délégation conduite par Combes et Clemenceau.

Mais Poincaré refuse, sachant que lors du scrutin officiel, il serait soutenu par la droite républicaine: il se présente donc à Versailles, et est élu le 17 janvier 1913 au deuxième tour, avec 482 voix contre 296 à Pams l'emporte avec 323 voix contre 309 pour Poincaré, classé à gauche à l'époque (dreyfusard, laïc, il s'était marié civilement, puis religieusement en 1912). La discipline républicaine aurait voulu que, battu à ces primaires, il se retire, et c'est ce que lui demande une délégation conduite par Combes et Clemenceau.

Mais Poincaré refuse, sachant que lors du scrutin officiel, il serait soutenu par la droite républicaine: il ne présente donc à Versailles, et est élu le 17 janvier 1913 au deuxième tour, avec 482 voix contre 296 à Pams et 69 pour le socialiste Edouard Vaillant. Clemenceau conserva une rancune tenace contre Poincaré pour n'avoir pas respecté la discipline républicaine, que lui-même respectera lors de l'élection présidentielle de 1920.

L'Elysée (1913-1920)

Son mandat de chef de l'Etat va évidemment être marqué par la Première Guerre mondiale, pendant laquelle il est l'artisan de l'Union Sacrée politique et sociale, aux côtés de René Viviani, d'Aristide Briand puis de Georges Clemenceau, et contre Jaurès et la SFIO, il soutient la loi des trois ans, votée en juillet 1913.

Son rôle dans le déclenchement de la guerre est controversé: il aurait poussé à la fermeté la Russie lors de son voyage officiel du 13 au 23 juillet 1914 en Russie, afin de renforcer les alliances deux semaines après l'attentat de Sarajevo. Le 4 août, son message est communiqué aux Chambres par Viviani: la France "sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l'ennemi, l'Union sacrée, et qui sont aujourd'hui fraternellement assemblés dans une même indignation contre l'agresseur, et, dans une même foi patriotique". Il participa à la cérémonie du transfert des cendres de Rouget de Lisle aux Invalides le 14 juillet 1915, dans lequel il prononça un discours célèbre dans lequel il explique sa vision du déclenchement de la Première Guerre mondiale.

Il n'hésite pas, parfois au péril de sa vie, à venir au front (essentiellement dans la Meuse et dans la Meuse et dans la Somme) afin de juger du moral des troupes et des populations déplacées. Il visite à plusieurs reprises la partie de l'Alsace redevenue française dès le 7 août 1914: au Col de la Schlucht, à Thann, Masevaux, Saint-Amarin et Dannemarie entre le 11 février 1915 et le 10 avril 1916.

Fin 1917, il nomme le radical-socialiste Clemenceau, qu'il n'apprécie guère mais dont il admire la fermeté de caractère, comme le président du Conseil. Son rôle devient alors plus discret, et il se plaint même, dans ses écrits, d'être mis de côté. Il conserve toutefois une certaine influence: selon l'historien Michel Winock, une certaine forme de cohabitation se met en place entre les hommes.

Après sa présidence

Tract pour les élections législatives de 1932 faisant référence à la "prophétie" de Raymond Poincaré


Dès 1920, alors que son mandat n'est pas achevé, il se fait élire sénateur de la Meuse. Aristide Briand ayant démissionné de la présidence du Conseil à la suite des critiques subies du fait de ses prises de position en matière de politique étrangère à la Conférence de Cannes, Poincaré accepte de redevenir président du Conseil en janvier 1922, à la demande du président de la République, Alexandre Millerand

Face à l'Allemagne, qui refuse de payer les "réparations de guerre", Raymond Poincaré a recours à la force, faisant occuper la Ruhr. Mais sa politique de rigueur budgétaire le rend impopulaire et, en 1924, après la victoire du Cartel des gauches, il doit présenter sa démission, tout comme le président Millerand.

On le rappelle à la tête du gouvernement en 1926, devant l'ampleur de la crise financière. Il forme alors un cabinet d'union nationale, en conservant Briand aux Affaires étrangères, et en revenant à une politique d'austérité financière, le franc Germinal est remplacé par le franc Poincaré d'une valeur cinq fois moindre, dévaluation qui, se borne à entériner le change réel. Malade et fatigué, il démissionne et se retire de la scène publique en 1929. Décédé à Paris en 1934, il est inhumé à Nubécourt (Meuse), dans son département natal.

Mandats électifs

Poincaré par Pierre-Carrier-Bellevue

.Député de la Meuse (1887-1903)
.Sénateur de la Meuse (1903-1913 puis 1920-1934)
.Président de la République (1913-1920)
.Conseiller général de la Meuse: 1886-1913/1920-1934
.Président du Conseil général de la Meuse: 1910-1913

Fonctions gouvernementales

.Ministre de l'Instruction publique en 1893 puis en 1895
.Ministre des Finances en 1894

Il fut cinq fois président du Conseil:

.du 14 janvier 1912 au 21 janvier 1913, cumule ces fonctions avec les Affaires étrangères
.du 15 janvier 1922 au 29 mars 1924 cumule ces fonctions avec les Affaires étrangères
.29 mars 1924 au 1er juin 1924
.du 23 juillet 1926 au 6 novembre 1928 cumule ces fonctions avec les Finances 
.du 11 novembre 1928 au 20 juillet 1929

Armand Fallières

Portrait officiel du président Armand Fallières.Portrait officiel du président Armand Fallières


Clément Armand Fallières, dit Armand Fallières, né le 6 novembre 1841 à Mézin (Lot-et-Garonne) et décédé le 22 juin 1931 à Villeneuve-de Mézin(Lot-et-Garonne), fut un homme d'Etat français, président de la République française de 1906 à 1913 sous la IIIe République.

Ministre au sein du gouvernement français entre 1880 et 1892, il fut nommé président du Conseil en 1883, mais son gouvernement tombe rapidement. Elu à la présidence du Sénat en 1899 après l'élection d'Emile Loubet à l'Elysée, il lui succède en 1906, après avoir été élu président de la République, pour un mandat de sept ans. Bien qu'étant très respecté, le président Fallières ne sollicita pas un second mandat présidentiel pour se retirer des affaires nationales.

Biographie

Origines, famille et études

Clément Armand Fallières est issu d'une famille relativement modeste, localisée à Mézin (Lot-et-Garonne). Son grand-père paternel, Joseph Fallières (1781-1866), fut forgeron et petit viticulteur, tandis que son père, Pierre Fallières (1810-1874), occupa les fonctions de greffier de justice à Nérac.

Le jeune Armand Fallières débute ses études au lycée Guez de Balzac d'Angoulême. Il devient avocat à Nérac après des études de droit à Toulouse et à Paris. Le 14 janvier 1868, il épouse, au cours d'une cérémonie civile se tenant à la mairie de Nérac, Jeanne Bresson (1849-1939), qui lui donne deux enfants, Anne-Marie Fallières et André Fallières, la même année, Fallières est élu membre du Conseil municipal de Nérac, dont il devient maire en 1871, entrant également au Conseil général de Lot-et-Garonne.

Député de Lot-et-Garonne

En 1876, il entre à la Chambre des députés comme député de Lot-et-Garonne et siège parmi les républicains de gauche. Le 18 mai 1877, il fait partie des 363 parlementaires qui votent la motion de censure contre le duc de Broglie.

Après la dissolution du Parlement par le président de la République, Mac Mahon, les nouvelles élections sont une victoire pour la gauche, et Fallières retrouve son siège.

Membre du gouvernement

En mai 1877, Fallières devint à nouveau maire de Nérac. Il occupera à nouveau cette fonction brièvement, jusqu'en septembre, soit quatre mois après son investiture municipale.

Il entre au gouvernement en tant que secrétaire d'Etat à l'Intérieur dans les cabinets de Freycinet et Ferry, puis ministre de l'Intérieur du 7 août 1882 au 29 janvier 1883 dans le cabinet Duclerc.

Le 29 janvier 1883, il est appelé par le président Grévy, de sorte à diriger un gouvernement, dont il prend le ministère des Affaires étrangères. Après trois semaines à la présidence d'un éphémère cabinet, il présente au président de la République sa démission, le 17 février.

Fallières, par la suite, occupa de nouvelles fonctions ministérielles de premier plan, entre 1883 et 1892, soit pendant neuf ans: ministre de l'Intérieur, puis de la Justice, et, enfin de l'Instruction publique. Fallières est, entre temps, élu sénateur de Lot-et-Garonne, en 1890.

Sénateur

Peu après son élection au Sénat, Fallières prend la décision de s'inscrire dans trois groupes parlementaires: la gauche républicaine, l'union républicaine et la gauche démocratique. Lorsque cette pluralité de groupes n'est plus admise, il choisit finalement le groupe de la gauche démocratique, "le plus avancé des trois" selon le sénateur Fallières.

De 1892 à 1899, Fallières, simple sénateur, fait preuve d'une grande discrétion: il ne prend pas une seule fois la parole en séance publique, même s'il contribue beaucoup au travail parlementaire.

Le 1er mars 1899, il vote contre la "loi de dessaisissement" du président Louis Loew dans l'affaire Dreyfus. Deux jours plus tard, il est président du Sénat au 2e tour de scrutin. Il succédera par ailleurs à l'Elysée, sept ans plus tard.

Fallières est constamment réélu président du Sénat jusqu'en 1906. C'est à ce titre qu'il préside la Haute Cour de justice, qui juge, en 1899, Déroulède, Buffet, Ramel et Godefroy pour l'affaire de la caserne de Reuilly, liée à la tentative du coup d'Etat pendant les obsèques du président Félix Faure.

Président de la République

Portrait du président Fallières par Léon Bonnat (1907)

Elu le 17 janvier 1906, il succède à Emile Loubet en remportant la victoire face à Paul Doumer, 78 voix les séparant. Il devient ainsi le 9e président de la IIIe République. Il entre en fonctions le 18 février.

Evitant d'occuper un rôle politique trop influent, le nouveau président cherche à se faire l'arbitre des classes politiques et souhaite rapprocher la fonction présidentielle des Français. Aussi se déplace-t-il facilement en province, notamment sur ses terres du sud-ouest. En 1907, il inaugure à Marmande (Lot-et-Garonne) le monument commémoratif de Léopold Faye, homme politique local, ancien maire de la ville puis conseiller général et président du Conseil général de Lot-et-Garonne entre 1871 et 1874, décée en 1900.

C'est durant la présidence de Fallières que prend fin l'Affaire Dreyfus. En effet, par la loi du 13 juillet 1906, Dreyfus est réintégré partiellement dans l'armée, au grade de chef d'escadron (commandant). Le 4 juin 1908, les cendres du plus illustre défenseur de Dreyfus, l'écrivain Emile Zola, sont transférées au Panthéon.

Opposant à la peine de mort, il gracie systématiquement les condamnés à mort pendant les premiers temps de son mandat, en 1908, qu'un projet de loi visant à l'abolition de la peine capitale est soumis à la Chambre des Députés par le Garde des Sceaux Aristide Briand. Ce dernier y affronte le député nationaliste Maurice Barrès, farouche partisan. La loi ne sera finalement pas votée, les députés et l'opinion publique y étant d'autant plus hostiles que l'affaire Soleilland (1907) étant encore dans les mémoires. Ce n'est que 73 ans plus tard que la peine de mort sera aboli en France, volonté d'un autre président de la République (François Mitterrand) et d'un autre Grade des Sceaux (Robert Badinter).

Le 25 décembre 1908, en effectuant une promenade sur les Champs-Elysées, un garçon de café, qui fut camelot du roi, nommé Jean Mattis, se jette sur le président Fallières lui tirer sur la barbichette. Mais Armand Fallières réagit un peu brusquement en voyant l'énergumène et fut griffé au cou et à l'oreille droite, Jean Mattis écopa de quatre ans de prison.

La présidence Fallières est également une ère politique marquée par de conséquents progrès: un ouvrier gagne en moyenne 1 100 Francs net annuels, les savoirs fondamentaux-lecture, écriture, calcul-constituent le bagage du plus grand nombre. En 1902, une réforme adapte l'enseignement secondaire aux nécessités de la vie moderne en attribuant une plus grande place aux sciences et aux langues étrangères, après le certificat d'études, plus de la moitié des enfants entrent dans la vie active dès treize ou quatorze ans. Ceci étant, c'est sous la présidence de Fallières que le gouvernement de Georges Clemenceau, "le briseur de grèves", réprime durement certains mouvements, comme la révolte des vignerons du Languedoc.

C'est également sous la présidence d'Armand Fallières et sous le gouvernement du même Clemenceau que les forces de police sont modernisées, notamment par la création des "Brigades du Tigre" (popularisées par la série TV à succès Les Brigades du Tigre).

En 1912, il instaure l'isoloir qui permet d'organiser les votes secrets.

Très populaire, le président est affectueusement surnommé par les Français "le père Fallières" en raison de son apparence bonhomme.

Dans le domaine de politique internationale, le président Fallières travaille au renforcement de la Triple-Entente (France/Russie/Royaume-Uni) face à l'Empire allemand de Guillaume II et à la Triplice (Allemagne/Autriche-Hongrie/Italie).

En 1908, il se rend en visite officielle au Royaume-Uni où il rencontre le roi Edouard VII, oncle de l'Europe. La reine, née princesse de Danemark et soeur de la mère du tsar, est une prussophobe convaincue.

L'année suivante, le 31 juillet 1909, le président rencontre le tsar de Russie Nicolas II lors de manoeuvres de la marine à Cherbourg.

En 1911, sur fond de "seconde crise marocaine" (coup d'Agadir), alors que les troupes françaises commencent à occuper le Maroc que l'Allemagne convoite également, le président Fallières se rend en Belgique et aux Pays-Bas.

En juillet de la même année, il se rend aux Pays-Bas. Ici aussi, la souveraine Wilhelmine est jeune et mariée à un prince Allemand, oncle de la Princesse impériale Cécilie, belle-fille du Kaiser et future impératrice.

En 1912, il commet une gaffe dont les journalistes feront des gorges chaudes: le 17 avril il présente ses condoléances au roi Georges V et au président américain William Howard Taft, en hommage aux nombreuses victimes du naufrage du Titanic. Parti en vacances, il oublie en revanche d'adresser ses condoléances aux familles françaises endeuillées.

La retraite

Le mandat présidentiel d'Amand Fallières se termine en 1913. Après réflexion, le chef sortant choisit de ne pas se représenter pour un second mandat de sept ans, justifiant sa décision par la phrase: "la place n'est pas mauvaise, mais il n'y a pas d'avancement".

Retiré de la vie politique, l'ancien président Fallières prend le temps de se reposer dans sa résidence de Loupillon. Il y décède des suites d'une crise cardiaque, le 22 juin 1931, près de vingt ans après avoir quitté l'Elysée. Son épouse Jeanne décède en 1939.

Dans sa ville natale, une statue de bronze de près d'une tonne fut édifiée, en 1938, en l'honneur du "patriarche de la République", selon l'expression de l'historien Jean-Pierre Koscielniak. Ce monument attira les foudres du gouvernement de Vichy qui souhaita le détruire, en 1942.

Encore de nos jours, Armand Fallières reste une grande figure locale de Lot-et-Garonne: à Mezin, une place porte son nom, de même que le collège, le lycée agricole de Nérac porte aussi son nom.

Fonctions

Mandats électifs

.1871-1874: mai 1877-septembre 1877: maire de Nérac (Lot-et-Garonne)
.1871-1886: conseiller général de Nérac
.1883-1886: président du Conseil général de Lot-et-Garonne 
.1876-1889: député républicaine de Nérac
.1890-1906: sénateur du Lot-et-Garonne 
.1899-1906: président du Sénat
.1906-1913: président de la République

Fonctions gouvernementales

Monument, sculpture en bronze


.Sous-secrétaires d'Etat à l'Intérieur et aux Cultes du 17 mai 1880au 14 novembre 1881 dans les gouvernements Charles de Freycinet 1 et Jules Ferry 1
.Ministère de l'Intérieur du 7 août au 13 septembre 1882 dans le gouvernement Charles Duclerc
.Ministre de l'Intérieur et des Cultes du 13 septembre 1882 au 21 février 1883 dans les gouvernements Charles Duclerc et Armand Fallières 
.Président du Conseil et Ministre des Affaires étrangères (par intérim) du 29 janvier au 21 février 1883 dans le gouvernement Armand Fallières
.Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts du 20 novembre 1883 au 6 avril 1885 dans le gouvernement Jules Ferry I
.Ministre de l'Intérieur du 30 mai au 12 décembre 1887 dans le gouvernement Maurice Rouvier I 
.Ministre de la Justice du 30 novembre 1887 au 3 avril 1888 dans les gouvernements Maurice Rouvier I (par intérim) et Pierre Tirard I
.Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts du 22 février 1889 au 17 mars 1890 dans le gouvernement Pierre Tirard II
.Ministre de la Justice et des Cultes du 17 mars 1890 au 27 février 1892 dans le gouvernement Charles de Freycinet IV