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lundi 5 décembre 2016

Histoire du TER Lorraine pour la région Lorraine

Le conventionnement du transport régional de voyageurs avant la naissance du TER Métrolor est à la base le nom commercial donné à la desserte ferroviaire cadencée sur le sillon Mosellan entre Thionville, Metz et Nancy. Instaurée le 2 janvier 1970, c'est la première desserte régionale conventionnée d'envergure en France, et la première desserte périurbaine de qualité en dehors de l'agglomération parisienne. Elle porte sur quatorze aller-retours Thionville-Nancy par jour de semaine de 7h00 à 20h00, en 65min avec quatre arrêts intermédiaires (Hagondange, Metz, Pagny-sur-Moselle et Pont-à-Mousson). L'offre de trains augmente ainsi de 50% entre Metz et Nancy, et de 77% entre Metz et Thionville. La fréquentation dépasse de voyageurs-kilomètres en 1970. Dans le premier semestre 1971, la fréquentation augmente premières années par l'Etat exclusivement, face au refus persistant du Conseil général de Moselle et Meurthe-et-Moselle à signer une convention avec la SNCF et à financer Métrolor à partir de 1972. Avec son rôle de projet-pilote, Métrolor inspire d'autres projets semblables ailleurs du concept du Transport express régional  (TER) seize ans plus tard. Pratiquement oublié pendant les années 1990, la région Lorraine réanime la marque Métrolor pour la communication sur son réseau TER Lorraine à partir de 2002.

A la demande des élus, l'Oréam Lorraine étudie le renouvellement de la desserte sur d'autres relations, dont Metz-Forbach, Hagondange-Conflans-Jarny et Longwy-Thionville, cette dernière réalisée ultérieurement sous la forme d'une ligne routière. Ainsi, une desserte cadencée Hagondange-Conflans-Jarny en correspondance avec Métrolor est mise en place en août 1973. Sous le nom de "Métro-Orne", elle porte sur dix aller-retours par jour, desservant huit arrêts intermédiaires. Bien que la ligne soit électrifiée,  l'exploitation est assurée par des EAD X 4300. Tout comme Métrolor, l'opération est entièrement financée par l'Etat pendant les deux dernières années. Malgré une distance ferroviaire plus courte que la distance routière, les résultats sont plutôt décevants avec une occupation moyenne des autorails de quarante voyageurs. Il se trouve que les habitants restent fidèles aux lignes routières privées, avec lesquelles aucune concertation n'a été menée. La faible vitesse commerciale des trains Métro-Orne n'a jamais été conventionné non plus, mais la SNCF l'a toutefois maintenue. Trente ans après son instauration, il consiste toujours de dix aller-retours, et l'occupation moyenne des trains est de trente-quatre personnes.

La SNCF n'ayant pu atteindre l'équilibre financier à la fin de l'exercice 1973, le ministère des Finances fixe l'objectif de reporter les services omnibus sur 10 000 km de voies ferrées sur la route, chiffre bientôt porté à 12 500 km. Quand Jacques Chirac devient Premier ministre le 27 mai 1974, il décrète rapidement l'arrêt des transferts sur route autoritaires et propose d'attendre tout d'abord l'élaboration des premiers schémas régionaux de transport (SRT). Six régions sont choisies comme régions pilotes, dont la Lorraine et aussi l'Alsace, mais le principe est progressivement étendue sur toutes les régions jusqu'en 1977.  Les régions pilotes vont se voir se confier l'organisation des services omnibus, avec l'idée sous-jacente qu'elles vont fermer des lignes rurales pour utiliser les économies réalisées pour l'amélioration des dessertes déclarées d'intérêt régional par le SRT. Le but global est l'amélioration des transports collectifs sans coûts supplémentaires pour la collectivité.

La troisième relation bénéficient d'amélioration de l'offre horaire est Nancy-Epinal. Bien que le nom retenu "Métrovosges" évoque Métrolor, il ne s'agit ici pas d'une desserte cadencée, mais de seulement trois aller-retours par jour ouvrable, en dehors des vacances scolaires, avec deux arrêts intermédiaires: Charmes (Vosges) et Châtel-Nomexy. S'y ajoute un unique aller-retour supplémentaire pour Remiremont. La DATAR donne son accord pour une participation dégressive au déficit pendant trois ans. Sinon la répartition du déficit d'exploitation est de 30% pour les Vosges et de 70% pour la Meurthe-et-Moselle. Ce déficit comprend notamment la perte de recettes sur les trains omnibus par report du trafic sur les nouveaux trains directs. Métrovosges est lancé le 13 septembre 1975 et fait appel à des EAD X 4300 de Metz.Une seconde phase de Métrovosges entre en application un an plus tard, le 27 septembre 1976, portant quant à elle sur la ligne voisine Nancy-Saint-Dié. Ici, le nombre de trains n'avait plus évolué depuis vingt ans. Seulement deux aller-retours supplémentaires circulant trois cents jours par an sont créés, et deux aller-retours omnibus existants sont accélérés. Avec quatre arrêts intermédiaires, à savoir Lunéville, Baccarat, Raon-l'Etape et Etival, le temps de parcours pour les 84 km de la ligne varie entre 1h08 et 1h16 selon les trains omnibus ont subi une baisse de fréquentation. Globalement, Métrovosges est un succès. L'augmentation du trafic est de 40% sur Epinal et de 30% sur Saint-Dié, moyennant des coûts annuels de 971 000 francs respectivement 183 000 francs pour les deux départements. L'occupation moyenne des autorails est de 75 personnes en moyenne sur Epinal et de 126 personnes en moyenne sur Saint-Dié.

Le SRT Lorraine, adopté le 6 juin 1977, correspond exactement à l'attente de l'Etat puisqu'il propose l'amélioration des dessertes sur un réseau noyau, financée par les économies réalisées avec le transfert sur route de lignes en zones peu peuplées.Dans le cadre du SRT Lorraine, c'est la première fois qu'une région se prononce en faveur de la fermeture de lignes. Hormis les dessertes déjà améliorées, seulement deux autres relations sont retenues pour bénéficier d'aménagements dans ce sens, à savoir Metz-Forbach et Verdun-Châlons-sur-Marne. Par contre, sept liaisons sont retenues pour le transfert sur route dont une seule sera finalement épargnée: Conflans-Jarny-Verdun. Cependant, le nombre de lignes fermées dépassera les sept, mais la mise en oeuvre des transferts sur route n'est pas réalisée dans l'immédiat.

En effet, les réticences des élus locaux sont de plus en plus grands, et il n'est plus possible de fermer des lignes sans rencontrer de la résistance. La relation Nancy-Château-Salins est choisie pour expérimenter un transfert sur route d'une façon plus pédagogique et sans encombres. Plus qu'un unique aller-retour n'y circule, mais les usagers qui lui restent s'en montrent en partie satisfaits (les autres ayant déjà abandonné le chemin de fer). Il est décidé ainsi de le remplacer par sept aller-retours en autocar s'ajoutant aux deux aller-retours en autocar existants, mais de maintenir le train pendant une période d'essai d'un an, à compter du 23 janvier 1978. Parallèlement, une tarification commune avec le transporteur privé également actif sur la relation doit être développé afin d'éviter à certains usagers de prendre deux abonnements différents. A l'issue de la phase d'essai, le choix entre poursuite de la desserte renforcée par autocar ou retour au statu quo doit être fait. Comme attendu, le trafic global augmente rapidement, et la fréquentation du train baisse, mais il n'est supprimé que le 2 avril 1979 car la ville de Château-Salins craignait que sa suppression engendrait la perte de la desserte marchandises. L'Etat vit ainsi le genre de projet-pilote que ce transfert sur route constituait pour lui comme un échec, réalisant que quelle que soit l'approche choisie, il n'obtiendra jamais le soutien des élus locaux, même en proposant une desserte par autocar répondant mieux aux besoins. D'autre part, les négociations sur la tarification commune n'ont pas abouti non plus, le transporteur (les Rapides de Lorraine) redoutant une tentative de nationalisation rampante.

En 1978/79, l'Oréam Lorraine avait encore prévu d'aménager les dessertes sur d'autres lignes ferroviaires non retenues par le SRT, à commencer par Epinal-Saint-Dié. Or, autre retombé du dossier dela ligne de Château-Salins, les élus locaux craignent qu'il ne s'agisse que d'une stratégie cachée pour transférer cette ligne sur la route (ce qui en l'occurrence n'est pas le cas) et montrent une vive opposition. De ce fait, aucun projet d'amélioration de dessertes ferroviaires régionales ne voit plus le jour en Lorraine jusqu'au lancement du TER Lorraine. Cependant, avec le changement de politique sous la présidence de François Mitterrand, la SNCF est désormais encouragée d'augmenter l'offre omnibus de sa propre initiative, ce qu'elle fait à chaque changement d'horaire d'été 1981 jusqu'à l'hiver 1983/84. Le gouvernement encourage également l'ensemble des régions à conclure des conventions avec la SNCF, ce que la Lorraine fait la dernière en mai 1989 seulement. Les conventions existantes pour Métrolor et Metrovosges sont intégrées. A ce titre, il n'est pas inintéressant de constater qu'en dépit de son rôle de précurseur dans la revitalisation des dessertes régionales, le volontarisme de la Région Lorraine a ses limites, puisque dans les années 1980-1984, les économies réalisées par les transferts sur route sont toujours nettement supérieures au budget consacré aux transports, de l'ordre de 10-25% selon les années. La Région investit donc une partie des économies reversées par l'Etat dans des domaines autre que les transports, ce que le décret d'août 1977 n'autorisait pas.